Depuis 2012, Michae Roch ne cesse de faire parler de lui. Auteur d’un recueil de nouvelles et de six romans, il connait un succès critique et publique notamment avec sa relecture de l’oeuvre de James M. Barrie dans « Moi, Peter pan », puis trois ans plus tard avec « Le livre jaune » en proposant une approche audacieuse du livre de Robert W. Chambers (Il faut absolument lire celui de Chambers, puis celui de Roch, c’est passionnant). Une approche de la littérature et des références littéraires aidant à déployer un univers riche et plus subtil qu’il n’y paraît. Car avec Michael Roch, nous sentons, depuis toujours une ambition littéraire s’affranchissant des genres et des langues, pour proposer des textes « monde ».
Tè Mawon, son nouveau roman ne déroge pas à la règle, mais ici exit la relecture d’une œuvre, et bienvenue dans la mégapole Lanvil. Mégastructure urbaine couvrant les territoires des caraïbes et s’entendant jusqu’aux limites du continent américain. Alors que l’Europe vit pleinement son aliénation d’extrême droite, que les Canétatsunis sont en pleine pandémie et l’Asie subit de plein front le réchauffement climatique, subissant une sécheresse sans précédent, Lanvil a su devenir une superpuissance mondiale, rivalisant avec les anciens ténors hégémonique.
Mais Lanvil, n’est pas parfaite, loin de là, cette cité 2.0 très proche des visions cyberpunk d’un Gibbons ou d’un Philip K. Dick, connaît ses inégalités et ses laissés-pour-compte. Ainsi se divisant en deux, Lanvil c’est autant l’Anwo et son image impeccable de rues interminables éclairées aux néons et aux écrans, mais aussi l’Anba , et ses citoyens en marges que la ville à abandonné dans sa course à la domination économique.
Dans cette mégapole, nous allons suivre plusieurs protagonistes, sur trois jours et trois nuits, plongeant dans les limites de Lanvil et les désirs d’un retour aux origines, à la terre caribéenne et aux origines de l’identité.
Tè Mawon dans son roman choral propose une approche afrofuturiste du genre cyberpunk. Bien entendu, nous retrouvons les codes du genre, méga-cité, technologie omniprésente et omni-opressante, dérives capitalistes, transhumanisme, citoyen riche d’en haut, et les pauvres d’en bas, etc… Mais bien qu’implémentant un registre familier, très rapidement Michael Roch s’en détache pour avoir une approche plus personnelle, consciente et passionnante.
Comme il l’explique dans une interview réalisé par son éditeur : « l’Afrofuturisme, en littérature, est la projection de nos sociétés afrodescendantes dans un futur prophétique où les individus ne sont pas discriminés ou oppressés. »
Ouvrant le champ des possibles de par sa proposition littéraire, Michael Roch se permet une variante dans son approche, en une étape supplémentaire, « en proposant une SF Caribéenne qui s’affranchit du regard oppresseur envers les personnes noires, mais qui propose également une science-fiction multi voire transculturelle, au regard de l’héritage immatériel laissé par Édouard Glissant et d’autres penseurs caribéens. Cette SF ne serait plus afrocentrée, mais créolisante. »
Ce qui permet, par le truchement du roman choral et de la linguistique, à l’auteur, de se faire croiser les langues, de cohabiter entre elles, de se mélanger et de créer un tout très vivant et culturellement riche. Par ce biais, l’implicite parle d’une culture caribéenne beaucoup plus vaste et chargée historiquement. Ce multilinguisme offrant une immersion totale dans Lanvil, et propose un roman de SF passionnant, qui s’impose comme une des grosses claques de la littérature de genre de ce début d’année.
Michael Roch ayant su répondre à ses ambitions et proposant une histoire prenante, continue, petit à petit à s’imposer comme un auteur majeur de la littérature de genre et même au-delà. Tè Mawon est définitivement passionnant et déploie un roman choral prenant avec une écriture plurielle et pleine de subtilité.
Éditions La Volte,
215 pages,
Ted.