Autobiographie du rouge d’Anne Carson est un roman en vers d’une rare intensité, traitant de l’amour et de l’éveil à la vie de manière inédite et envoûtante. Il ne faut pas se fier à l’aspect érudit de la proposition littéraire de cette écrivaine canadienne. C’est une relecture totale du mythe de Géryon, personnage mineur de la mythologie grecque. Héraclès doit combattre lors de ses douze travaux. Anne Carson transforme cette violence meurtrière en un désir ardent et décrit à travers la voix de Stésichore (qui réécrit cette autobiographie) les évolutions de ce monstre ailé. L’entremêlement d’origines et d’inspirations propulse cette simple histoire d’amour dans l’universel sans jamais obscurcir la lecture d’une érudition envahissante.
On s’attache au fil des pages à Géryon, monstre profondément humain qui vit au départ avec sa mère. Nous sommes dans le monde contemporain, car elle fume des cigarettes en regardant la télévision. Géryon grandit et tombe amoureux lorsqu’il voit pour la première fois un jeune homme descendre du bus. C’est Héraclès avec lequel il va voyager et vivre une intense histoire d’amour. Puis Autobiographie du rouge nous emmène plus loin encore dans la vie de Géryon. Tout ramène à la couleur rouge dans ce livre, des descriptions de ce qui compose Géryon à la présence importante des volcans. Il y a aussi la pratique de la photographie qui se dévoile sous la couleur rouge.
En partant de la mythologie grecque, Anne Carson crée une histoire d’une puissante sensibilité, transformant l’affrontement d’Héraclès et Géryon par un désir amoureux, libre de toute formalité. Ce que raconte cette autobiographie est la naissance du désir, comment il s’irrigue chez un être unique, possédant des ailes comme un adolescent possède une particularité lambda. Nous sommes évidemment loin du roman initiatique, qui rabâche le thème de l’adolescence. C’est une œuvre qui brandit l’amour et la liberté des corps en étendard ultime. Le roman est construit en vers. Il se lit pourtant comme un roman d’amour où tout le monde pourra vibrer et trouver la définition vivante du désir.
L’écriture d’Anne Carson est faite d’images fortes, elle ne s’attarde pas sur des caractères psychologiques ou sociétales. C’est une poétesse qui ne s’inscrit pas dans la tradition de la littérature nord-américaine. Elle se joue de toutes les contraintes et déploie son écriture dans ce qui l’anime que ce soit la mythologie grecque ou la poésie d’Emily Dickinson. Cette œuvre originale a une suite qui s’intitule Rouge doc> que Caroline a chroniqué récemment sur ce site. Ces deux livres méritent une reconnaissance qu’Anne Carson tarde à avoir sur le continent européen et notamment en France. Il est rare de trouver autant de liberté dans un roman qui aborde l’amour et le désir s’inscrivant pourtant dans un souffle poétique provenant de l’antiquité.
traduit de l’anglais (Canada) par Vanasay Khamphommala
176p
Adrien