Enst Theodor Amadeus Hoffmann, ou E.T.A Hoffmann pour son nom de plume, fait partie de ses noms capable de rapatrier en nous tout un univers littéraire riche et merveilleux. Auteur de contes et romans, il appartient au mouvement romantique du 19e siècle et a su apporter ses lettres de noblesses, entre autre, au récit fantastique, en devenant un de ses pionniers.
Bien que, Selon Charles Nodier, dans son essai « Du fantastique en littérature » (1830), écrit que « la littérature fantastique surgit, comme le songe d’un moribond, au milieu des ruines du paganisme, dans les écrits des derniers classiques grecs et latins, de Lucien et d’Apulée. » Et eu le temps de se faire oublier depuis, il faut reconnaître l’incontestable influence d’E.T.A Hoffmann, dessinant des contours révolutionnairement modernes et ancrant ses fantômes à l’époque des nations se tournant vers un capitalisme que nous connaissons encore aujourd’hui.
Un auteur visionnaire qui influença jusqu’aux auteurs français, comme Balzac, Maupassant, Mérimée, Lautréamont, Gautier , Sand, Beaudelaire ou encore Hugo. Donnant par son romantisme littéraire, une réponse au « So british » roman gothique, comme écho d’une époque ou se noyait en son sein, les progrès et la mystique, cherchant par le truchement de l’écriture une place où faire cohabiter les deux mondes.
L’auteur a su maîtriser l’art du surgissement dans ses récits, offrant toujours la grandiose et la grandiloquence caractéristique au fantastique pour déraciner le lecteur au réel et le plonger dans l’étrange. Une construction astucieuse permettant par ce biais, d’autoriser le lecteur une suspension consentie d’incrédulité et offrant à l’auteur l’assurance d’avoir les coudées franches pour s’autoriser toutes ses folies.
Car dans « Dans la nuit » il faut s’attendre à de la folie. En effet, Lovecraft et Poe, n’en ont pas le monopole. Mais face à un fantastique toujours plus étrange, l’esprit humain ne peut que défaillir et plonger dans les affres de l’aliénation, et ça Hoffmann l’avait bien compris. Composé de cinq nouvelles, l’auteur nous plonge dans son fantastique le plus obsédant et vertigineux. « Dans la nuit » regroupe des textes de deux œuvres parus entre 1817 et 1822, à savoir « Contes Nocturnes » & « Les frères de Saint-Sérapion ». Tout deux considérés comme ses chefs-d’œuvre et qui furent publiés peu de temps avant sa mort.
« Dans la nuit » vous propose de rencontrer le Diable, de croire aux simulacres, aux fantômes, aux vampires, c’est accepter de perdre l’esprit, le tout dans Berlin, dans une inquiétante maison ou dans de somptueux châteaux.
Mais c’est aussi s’amuser de la désuétude pleine de charmes de certains codes de l’époque, tout comme d’admirer avec nostalgie un univers que les films de la Hammer ou encore des cinéastes Allemands comme Fritz Lang, ont tenté de mettre en image, sans jamais y arriver totalement.
Il est important de souligner la grande justesse et l’élégance de cette nouvelle traduction par Philippe Forget. Offrant un travail minutieux pour dépoussiérer la langue sans pour autant gâcher les intentions et le travail d’ambiance de l’auteur, où pour ceux qui ont déjà lu E.T.A Hoffmann, ses précédentes traductions.
Jugez plutôt avec un extrait du “Marchand de Sable” ( traduction de Philippe Forget, pour la présente édition), anciennement intitulé « L’homme au sable » (traduction de Loève-Veimars)
La version de Loève-Veimars :
« Sans doute, vous êtes tous remplis d’inquiétude, car il y a bien longtemps que je ne vous ai écrit. Ma mère se fâche, Clara pense que je vis dans un tourbillon de joies, et que j’ai oublié entièrement la douce image d’ange si profondément gravée dans mon cœur et dans mon âme. »La présente édition, avec la traduction de Philippe Forget :
« Que je ne vous aie pas écrit depuis longtemps a dû vous inquiéter. Mère est sans doute fâchée, et Clara croira que je mène ici la grande vie ; que j’oublie complètement sa délicieuse figure d’ange si profondément gravée dans mon cœur et mon esprit. »
Un travail passionnant redonnant toute l’ampleur du style Hoffmann et faisant exploser toute la générosité narrative de l’auteur dans cette nouvelle édition. Ce qui en soit aurait été largement suffisant pour justifier la lecture de « Dans la nuit ». Mais ce serait mal connaître les éditions du Typhon.
Pour l’occasion ils ont mis les petits plats dans les grands et ont décidé de nous proposer une édition luxueuse, richement illustrée par Tristant Bonnemain, qui arrive par son travail à sublimer chaque histoire. Ainsi qu’une postface passionnante d’Élisabeth Lemirre et Jacques Cotin, donnant nombre de clés de contextualisations et de compréhensions. Le tout dans un beau livre à la couverture rigide, dans son bel habillage noir et blanc.
« Dans la nuit » d’E.T.A Hoffmann est la belle surprise de cette fin d’année. L’occasion pour nous de découvrir/re-découvrir un auteur qui fit exploser la littérature fantastique, mais avant tout un conteur hors pair, sachant manier les codes du genre tout en dépoussiérant le style pour l’inscrire dans la modernité de notre société.
Les éditions du Typhon,
Trad. Philippe Forget,
Illustration Tristan Bonnemain,
Ted.