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Nick Kent – The Unstable Boys

Londres, 1968.
The Unstable Boys est LE groupe anglais du moment, concurrent direct des Stones et des Beatles, mené par The Boy, chanteur aussi dépravé qu’allumé, aux frasques légendaires. Le groupe est à la merci de son leader détraqué, et subissant hauts et bas, finira par disparaître totalement de la circulation au bout de quelques courtes années, laissant derrière lui une légende sulfureuse, quelques bons titres et des fans éplorés.
Londres, 2016.
Michael Martindale est dans une mauvaise passe.
Piégé dans une relation extra conjugale montée de toute pièce par un journal à scandales, l’écrivain star devenu looser est au bord du gouffre, et sombre dans la déprime depuis que femme et enfants l’ont quitté.
En proie à une nostalgie réconfortante réveillant de vieux souvenirs de temps meilleurs et révolus, Michael Martindale jette à la face du monde l’amour inconditionnel qu’il porte à son groupe fétiche : The Unstable Boys.

Cette déclaration tombe directement dans l’oreille de l’affreux The Boy, qui , pour l’heure, est entièrement occupé à chercher comment échapper à la Mafia russe à qui il doit quelques espèces sonnantes et trébuchantes.
The Boy se rend au domicile de l’écrivain, transi d’émois à la vue de son idole sur le pas de sa porte.
Un marché est conclu entre eux : le fantastique et irremplaçable The Boy racontera sa vie de rock’n’roll star et Michael Martindale prendra en charge son écriture.
Le succés, la renommée et l’argent seront assurément de nouveau au rendez-vous pour l’un comme pour l’autre. La femme de Martin sera reconquise, les deux tourtereaux fileront l’amour parfait, et The Boy échappera à une mort violente certaine ( mais ça, bien sûr, il n’en parle pas à son tout nouvel ami).

Subjugué par le héros de sa jeunesse perdue, l’écrivain laisse le diable entrer chez lui, et c’est l’autoroute de l’enfer qu’il va parcourir, lui qui pensait trouver la voie de la rédemption.

Dire que Nick Kent s’y connaît question musique et rock’n’roll life est un pléonasme : il est l’histoire du rock.
Après avoir écrit à 19 ans dans des fanzines undergrounds anglais, Nick Kent se forme à l’école Lester Bang, et devient rock critique.
Il écrit pour le NME, et explore aussi bien les voies de l’écriture gonzo chère à Hunter S. Thompson, que celles des drogues dures, chères…à beaucoup de monde à l’époque ( nous sommes dans les années 70/80).

Il décrit cette charmante épopée au cours de laquelle il côtoie toute la scène punk ( Sid Vicious défoncé – mais là encore, c’est un pléonasme – manquera d’ailleurs de le tuer) et rock, et où il deviendra SDF, dans l’incontournable et excellent ” Apathie for the Devil”.

Mais être un excellent journaliste rock critique au cœur de l’action suffit-il à faire de vous un bon romancier ?
La réponse est oui, triple oui pour Nick Kent.
Tout d’abord, pas folle la guêpe, il s’empare d’un sujet qu’il maîtrise sur le bout des doigts : le rock, ses dieux, ses dérives, ses excès.
Nick Kent a tout vu tout vécu, et se sert de ce matériau pour construire des personnages plus hauts en couleurs, plus fous, et plus vrais que nature. Si The Boy a été inspiré par Vince Taylor, on se prend au jeu d’essayer de deviner qui se cache derrière Ral, Pieter ou encore Jean-Claude, qui semblent tous sortis de la biographie ou de l’autobiographie d’un Jim Morrison ou d’un Keith Richard, ou d’un roman d’Irvine Welsh.

Les anecdotes, les situations sont encrées dans un réalisme puissant et saisissant.
Nick Kent a mis au service de la littérature son expérience et sa vie. A moins que ce ne soit l’inverse.
Si toutes les pistes sont brouillées pour démêler le vrai du faux, le propos essentiel n’est pas : The Unstable Boys est un roman drôle et profond, où la perfidie, la manipulation, la folie, le pouvoir, le star système et la nostalgie côtoient les  âmes en peine, le désir et le besoin de repos, de vérité.

Il ne faudrait jamais rencontrer ses idoles.Telle est la leçon du premier roman de Nick Kent ( admirablement traduit par Laurence Romance).

Sonatine éditions,
Laurence Romance,
250 pages,
Judith.

À propos Judith

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