Alice ne s’attendait pas, en entrant dans ce salon de thé, à tomber amoureuse de ce beau japonais. Par une longue lettre d’amour de 92 pages, Alice se donne entièrement, retraçant le fil de ses émotions et des événements depuis cette première rencontre.
Les premières pages évoquent le regret d’Alice d’avoir perdu un homme qui lui a fait découvrir son corps, ainsi que son âme, à travers une séance de méditation et d’un massage. Suite à cette entrevue fortuite, Alice (re)découvre les joies de l’existence, les petits bonheurs du quotidien. Cet homme lui (re)donne, sans s’en douter, une raison d’avancer dans la vie. Dans cette longue lettre qui lui est adressée, Alice se laisse aller à ses émotions et écrit :
« Et dans ce duo d’exhalations, soudain je n’ai plus été seule et mes yeux ont laissé couler des larmes »
Lettre d’amour sans le dire retrace ainsi la vie d’une femme de presque 50 ans. Cependant, elle pense et rêve parfois comme une enfant le ferait. Cette naïveté et cette insouciance disparaissent quand cette enfance est évoquée ; elle n’en a pas réellement eue. Battue, agressée, violée, enceintée, mise à la porte et encore abusée. Amanda Sthers cherche, sans jugement, l’empathie et la bienveillance du lecteur. Cette Alice a tout de l’héroïne qui, dans certains films et livres se révolterait, et changerait complètement de vie, ou encore de personnalité. Mais ce n’est pas le cas d’Alice; elle continue de vivre entourée, mais survit surtout seule. Elle s’abandonne alors dans l’amour qu’elle porte à sa fille qu’elle a eu adolescente. Mais celle-ci finit également par se détacher d’elle.
Cet homme dont elle est tombée amoureuse sans le dire la sauve de cette vie dont elle est spectatrice. Les rendez-vous quotidiens sont ardemment attendus, et Alice recommence doucement à vivre. C’est une femme touchante et pleine d’espoir, bien qu’elle se soit longtemps complainte dans la vie singulière et isolée qu’elle a eue. Elle n’abandonne pas l’idée de vivre, même si elle ne vit pas vraiment.
La plume d’Amanda Sthers, à travers celle d’Alice, est spontanée et naturelle. Elle expose, parce qu’il s’agit bien d’une exposition, son être entier, ses émotions, ses sentiments et souvenirs de manière aléatoire comme ils reviendraient simplement lors d’une discussion. L’auteure parvient à capturer les émotions les plus profondes de son personnage, l’amour, la passion, la vulnérabilité. Cela crée ainsi une connexion harmonieuse entre le lecteur et l’histoire. Les phrases sont soigneusement choisies, et les mots semblent s’animer en une danse prosaïque et poétique. Par cette majestueuse écriture, Amanda Sthers explore les sinuosités de l’amour. Elle entraîne le lecteur dans un univers riche en émotions et sensations où les non-dits ont autant de puissance que les mots exprimés. En effet, presque 100 pages d’amour et pourtant aucune apparition du terme « je t’aime ».
Amanda Sthers est une écrivaine française qui s’aventure dans l’écriture de chansons, scénarios ou encore pièces de théâtre. C’est une femme qui ose « toucher à tout », et qui fait, par déduction, preuve d’une grande imagination, ingéniosité et d’ouverture d’esprit et de sensibilité. Lettre d’amour sans le dire est un roman qui se dévore en une fois, mais son impact s’étend bien au-delà de la lecture. Amanda Sthers confronte le lecteur à sa propre vie, chaque mot retentissant au fond du cœur.
Éditions Le Livre de poche
92 pages
Maïténa.