Bien étrange récit que celui-ci. Alors que le romanesque nous habitue à une certaine forme de récit, à des protagonistes plus ou moins prédéfinis dans leurs archétypes, voici que débarque le nouveau roman d’Hernan Diaz, sobrement intitulé « Trust » et qu’il arrive à chambouler tout ça avec énormément de classe.
Hernan Diaz, nous avions entendu parler de cet auteur lors de la sortie de « Au-Loin », son premier roman, qui fit grand bruit, tant nous pouvions sentir l’aisance qu’avait l’auteur à déployer un récit riche et intelligent.
« Trust », c’est le récit d’un génie de la finance, qui sut faire fortune à Wall Street, mais tout particulièrement durant le Krach boursier d’octobre 1929. Nous suivons le quotidien de cet homme, assez particulier, socialement pas très adapté, ayant tendance à la fuite et l’isolement. Puis nous rencontrons une femme, LA femme, celle qui deviendra son épouse et qui l’accompagnera dans sa vie. Jusqu’à la mort de cette dernière.
Les deux se ressemblent, indépendants et solitaires, ayant chacun leurs activités, lui les finances, elle diverses activités et notamment des aides financières qu’elle apportent aux artistes, et notamment aux musiciens. Ainsi, un microcosme se crée autour de ce couple singulier qui attire, intrigue et questionne invariablement.
A moins que le récit de ne soit pas là, à moins que cette histoire soit UNE histoire.
Il est compliqué de développer plus sans vous gâcher le plaisir de la découverte. Et nous vous invitons à fuir les articles abordant la seconde moitié du récit.
Car Ici, Hernan Diaz, minutieusement et dans une maîtrise virtuose, nous promène par le bout du nez tout le long du livre. Et il faut bien attendre la seconde moitié du livre pour se rendre compte de l’ampleur du propos. Car « Trust » n’est pas un récit sur Wall-Street, « Trust » ne questionne pas la société de l’époque, mais « Trust » s’impose comme un récit beaucoup plus malin qui vient à questionner les fondements même du récit et de la narration.
D’une écriture élégante, d’une finesse et d’une richesse rare, le livre d’Hernan Diaz se construit sous vos yeux, et bâtit des mirages pour mieux vous surprendre et vous questionner. Dans un style à part nous pourrions comparer Hernan Diaz à Richard Powers, tant il semble que l’écriture ne connaisse aucune limite. Nous retrouvons cette même aisance, cette même audace, et cette même grandeur si caractéristique des grands auteurs et autrices américain.e.s.
« Trust » est fascinant également de par sa construction. Fonctionnant en quatre parties, qui pourraient à première vue paraître distinct les unes des autres. Pourtant elles finissent rapidement par entrer en écho et constituent, in fine, un tout cohérent et même sacrément efficace.
Alors, que dire de plus, Hernan Diaz, avec « Trust » s’impose comme un grand nom de la littérature américaine. Le temps dira si ce n’était qu’un coup de génie ou bien dans son « ADN ». Mais au-delà de toute notion superlative, il faut lire « Trust » pour l’intelligence et l’élégance de son récit. Il faut également comprendre « Trust » pour notre rapport aux récits. En bref, « Trust » est remarquable à bien des égards et mérite vraiment la réputation qu’il se trimballe outre-atlantique.
Editions de l’Olivier,
Trad. Nicolas Richard,
400 pages,
Ted.