Petite sélection automnale et pas piquée des hannetons, comportant entre autres des essais scientifiques sur pommes de terre et des champignons psychoactifs. Alors, bon appétit !
On ne va pas se mentir, les actualités sont plutôt moroses. Heureusement qu’au milieu de tout cet amas de nouvelles tristounettes brille une oasis drolatique aux doux reflets incongrus, un bijou d’humour absurde portant le nom suave d’Histoires croûtes. Victime de son succès, la première édition de cet OVNI signé Antoine Marchalot était épuisée depuis longtemps, alors en voici une toute nouvelle version style gros pavé délicieux supplément invraisemblable.
Sans queue ni tête, les récits s’enchainent mais ne se ressemblent pas. Il y en a pour tous les goûts : enquête policière mystérieuse sous le regard bienveillant de ce bon vieux Derrick, drame familial sous fond de poisson-purée, far-west au triple galop de petit cheval ou encore SF et quiche lorraine… Rien ne semble pouvoir arrêter le génie de l’auteur. Ses personnages biscornus évoluent dans des décors aux couleurs criardes, où les situations se mélangent en un gloubi-boulga pas possible et franchement jouissif.
Dans Histoires croûtes, tout est décalé mais aussi savamment réfléchi, rien n’est en trop ni ne manque bref, voici un parfait dosage de bizarroïde et d’humour comme on les aime.
Histoires croûtes
Antoine Marchalot
Les requins marteaux
564 pages
C’est en 1927, quelque part dans une forêt des montagnes Catskill, que débute une aventure unique pour Gordon Wasson et Valentina Pavlovna Wasson. Fraichement marié, le couple profite de sa lune de miel pour admirer la beauté des paysages qui s’offrent à eux. C’est lors d’une balade au cœur d’un bois que la jeune femme tombe sur un cortège de champignons qu’elle s’empresse de cueillir pour en faire une bonne poêlée. S’il s’agit en quelque sorte de sa madeleine de Proust lui rappelant son enfance en Russie, il en va autrement pour son mari qui assimile aussi bien les chanterelles que les bolets à la pourriture et à la mort.
Quelques années plus tard, sa mycophobie a laissé place à un réel engouement qu’ils partagent dorénavant à deux, celui de dévorer des champignons et tous les ouvrages possibles sur eux !
À tel point que Valentina et Gordon rêvent de publier un livre célébrant leur passion commune et toutes ses ramifications : recettes, contes populaires, étymologie… Portés par leur élan, ils se rendent au Mexique sous les conseils du célèbre auteur Robert Graves afin de découvrir l’impact psychoactif et l’importance des rituels gravitant autour des champignons mazatèques.
Dans un roman graphique flirtant avec l’essai, Brian Blomerth retrace le parcours incroyable de ce couple, ses études acharnées et les répercussions de ses recherches pour le monde scientifique et médical. Inclassable, Mycelium Wassonii traite ainsi aussi bien d’amour, d’aventure que de cultes sacrés mis à mal par l’invasion du tourisme.
Les illustrations offrent une expérience à elles seules, mêlant figures psychédéliques et personnages anthropomorphiques au look cartoonesque résolument vintage. À la manière d’une frise mouvante, le récit se déroule au fil des doubles pages contemplatives dans lesquelles on plonge avec plaisir, ponctué des moments forts de la vie de ces pionniers en mycologie. Car les tranquilles Wasson seront contactés par la CIA, Gordon aura droit à un reportage dans le journal Lif, étant l’un des rares privilégiés blancs ayant approché les rites cérémonials mazatèques.
Visuellement bluffant, Mycelium Wassonii est un véritable voyage graphique et documentaire dont il serait dommage de se priver.
Mycelium Wassonii
Brian Blomerth, traduit de l’anglais par Sophie Jouffreau
Rackham, collection Le signe noir
224 pages
Caroline