En 2021, Caroline Nasica publiait sa toute première BD aux éditions Exemplaire, grâce à un projet participatif dont l’objectif a été atteint en quelques heures. Moins de deux ans plus tard, sa troisième bande dessinée voit le jour chez Larousse, sous le doux titre 5, rue du boucan.
Alors bienvenue dans une coloc de zinzins, composée de quatre jeunes aux profils bien différents, ce qui ne les empêche pas d’être soudés et bienveillants entre eux. La dernière arrivée, Léonie, petite jupe bien en dessous du genou et l’air plutôt (très) coincé, débarque dans un joyeux bazar bien éloigné du milieu BCBG catho qu’elle a toujours connu. Pendant que la survoltée Pia lui fait rapidement visiter l’appartement et surtout sa chambre jonchée de tâches suspectes (serait-ce… du SANG par terre ?), Dany zone sur le canapé en caleçon et Alma fume tranquillement son bedo. Sans oublier Sacha, la cinquième colocataire par intermittence, étudiante en Math fondamentales et plongée dans une relation amoureuse des plus toxique. Choc des cultures pour la prude Léonie, donc.
Pourtant, elle s’acclimate vite à ce quotidien fait de fous rires, d’engueulades et de soirées endiablées. Et même mieux, grâce à la bienveillance de ses zinzins de colocs, elle va pouvoir explorer sa sexualité, s’émanciper et découvrir que « différent » ne veut pas dire « dangereux » !
En puisant dans son vécu propre, riche en anecdotes improbables et explosives, Caroline Nasica continue de brosser le portrait sans fard des jeunes d’aujourd’hui, avec leurs lots de galères et de victoires. En prenant Marseille comme décors, ville qu’elle a arpentée en tout sens de nuit comme de jour, elle bouscule les standards étriqués et offre une histoire pleine de rebondissements et de spontanéité. Fidèle à elle-même, elle plonge ses personnages dans des situations plus extrêmes les unes que les autres, sous fond de téton ensanglanté, de twerk endiablé et règlement de compte mafieux. Mais à travers tout ce joyeux bazar, Caroline Nasica dégomme à coup de high-kick les préjugés qui collent à la peau de cette génération. Car oui, on peut aimer faire la fête et se donner à fond pour réussir ses examens, être habillé en survêt’ et avoir la tête sur les épaules. Sans jugement, l’autrice énonce ainsi simplement la réalité des choses sans prendre position, tout en rappelant que les esprits rétrécis se pensent souvent au-dessus des autres. Et la famille étouffante de Léonie et celle rabaissante de Dany en sont les parfaits exemples ! Obtus et carrément bouffis de méchanceté, ils les cloisonnent et les critiquent rudement, tandis que Pia, Sacha et Alma les accueillent, les acceptent et les aiment tels qu’ils sont.
De son trait reconnaissable, lâché et ultra dynamique, Caroline Nasica continue de raconter les jeunes vingtenaires et trentenaires d’aujourd’hui avec beaucoup d’humour et de justesse. 5, rue du boucan c’est les soirées qui partent en vrille et les embrouilles, mais c’est surtout un beau condensé de sororité et de bienveillance ! On s’attache vite aux personnalités un peu foutraques de cette bande de potes qui se serrent les coudes quoiqu’il arrive. Et à travers eux, l’autrice dénonce également les problématiques toxiques et patriarcales de notre société, notamment l’homophobie, le racisme, le sexisme ou encore les violences conjugales.
Bref, une sacrée BD qui part dans tous les sens et qui fait gagner en ouverture d’esprit, qu’on soit plutôt zinzin-fêtard ou zinzin-posé !
160 pages
Larousse
Caroline