Deux ans après la fin de la guerre en Bosnie, 30 000 personnes se sont réuni quelques heures au Kosevo Stadium pour célébrer le rock and roll, mais aussi la solidarité et la paix lors d’un concert joué par U2.
C’était le le 23 septembre 1997, une date butoir et inoubliable dans les souvenirs de celles et ceux qui étaient là, qui ont pu chanter à l’unisson tout en faisant danser ensemble la flamme de milliers de briquets brandis vers le ciel… Encore aujourd’hui, le show du groupe emblématique irlandais flotte dans la mémoire comme étant le marqueur concret de la fin de la guerre, délimitant une frontière palpable entre l’avant et l’après : « Fuck the past, Kiss the future, Viva Sarajevo ! » criera d’ailleurs Bono !
Les semaines et jours précédents l’événement, la ville de Sarajevo s’est vu plongé dans une frénésie grandissante, tandis que ses rues étaient recouvertes d’affiche aux couleurs du fameux Pop Mart Tour. Entrecoupant la destinée de protagonistes touchés chacun à leur façon par la venue de U2 Muharem Bazdulj capture le climat si particulier régnant sur la Bosnie-Herzégovine lors de cette période charnière d’après guerre, où l’espoir et les rêves d’avenir côtoient les traumatismes et les décombres.
Le Concert célèbre cette osmose où Serbes, Croates, musulmans et catholiques ont vibré et chantés ensemble, mais aussi les émotions envahissant la poignée de personnages principaux dont l’auteur entrecroise les chemins avant l’apothéose finale du concert. Un fan incontesté de U2, une jeune femme portant le deuil de son petit frère mort lors des bombardements ou encore un couple d’amoureux échappant quelques heures au carcan familial, autant de portraits marqués par l’Histoire et la musique convergeant à un seul et même endroit pour fêter un moment de pacification. Cependant, la frustration, la rage et la tristesse entrefilent aussi le récit, évoquant les destins brisés et les haines sous-jacentes, qui s’incarnent en métaphore les dégâts humains sur son propre environnement.
Muharem Bazdulj ne lésine pas sur les détails, s’amusant à décrypter les morceaux du groupe en les plaçant en miroir avec la situation géopolitique du pays, dans une large émulsion de protagonistes et de passions qui prennent vie en paroles, en chœur et en corps pour quelques heures. Dans ce climax d’émotion, on voit certaines chrysalides qui lentement s’ouvrent, des pages qui se tournent et des promesses éclore.
Au travers du show mythique de U2, Le Concert rend avant tout hommage à celles et ceux perdus dans la foule, à la nouvelle génération d’alors qui a grandi pendant la guerre, aux individualités qui, mises bout à bout, peuvent vibrer ensemble et se fédérer malgré leurs différences sociales, religieuses ou culturelles.
Traduit du serbe par Zivko Vlahovic
Tropismes éditions
220 pages
Caroline