Rien ne semblait promettre un avenir brillant à Philomela Drax, une jeune fille vivant pauvrement aux côtés de sa mère dans la poussiéreuse bourgade de New Egypt. Jusqu’à ce que, un beau matin, cette dernière ne reçoive une lettre de son père, dont elle n’a plus eu de nouvelle depuis presque vingt ans. La missive laisse entrevoir un héritage que le vieil homme leur assure, à condition que Philo parvienne à le sortir d’une très mauvaise situation… et même d’un destin tragique !
En effet, le voilà pris au piège entre les griffes d’une sinistre famille qui semble bien décidé à mettre la main sur sa fortune par tous les moyens, et dont la bêtise crasse n’a d’égale que la sombre cruauté.
C’est ainsi que Philo, déterminée à secourir son grand-père et à se sortir au passage de la misère, fait la rencontre de ceux qui vont chambouler sa vie à tout jamais : Hannah, John et surtout la terrible Katie Slape. Un trio qui n’a rien à envier aux tristement célèbres Bloody Benders, un clan de tueurs en série ayant fait plus d’une vingtaine de victimes entre 1871 et 1872 au Kansas, et dont Michael McDowell s’est librement inspiré pour notre plus grand plaisir.
« Il était caractéristique des Slape de ne jamais songer au passé. John était d’ailleurs incapable de se rappeler l’époque où il avait été marié à la mère de Katie et, en vérité, il ne lui restait de cette union qu’une fille et un engouement pour le théâtre. Hannah aurait pu se souvenir de son enfance si elle en avait pris la peine, mais pourquoi s’infliger pareil effort ? Quant à la mémoire de Katie, elle était purement sensorielle : de la semaine passée, elle ne se rappelait que les moments où elle s’était saisie du marteau et des sacs de sable dans le tiroir du bureau de son salon.
[…] Parfois, Katie disait : “Je me demande ce qu’elle est devenue. Je me demande s’ils ont fini par la pendre?”
Et John demandait : “Qui ça ?”
Et Hannah répondait : “La bonne. On aurait dû s’occuper d’elle à Goshen.
— Moi, je voulais le faire, rétorquait Katie. Je voulais lui taper sur la tête avec mon marteau.
— T’avais pas de marteau, à l’époque”, faisait remarquer sa belle-mère.
Et une semaine plus tard, la même conversation se répétait.
D’une certaine manière, fort particulière, ils étaient heureux. »
Comme dans l’incroyable saga Black Water ou encore Les Aiguilles d’Or, Michael McDowell nous tient en haleine tout au long de ce roman gothique parsemé de meurtres aussi affreux qu’inventifs, où la tension grimpe chapitre après chapitre. Pas de repos, que cela soit pour Philo ou pour les lecteurs et lectrices, les rebondissements surgissent au moment où l’on ne s’y attend pas et la plus paisible des situations peut finir en une scène d’horreur.
Délicieusement sanglant, écrit de main de maître et bien sûr mis en écrin avec raffinement et originalité par Monsieur Toussaint Louverture, Katie est indéniablement l’un de ces livres impossibles à lâcher une fois que l’on a plongé le nez dedans. Il s’agit d’une véritable cavale gothique, où les heureux concours de circonstances et les hasards sinistres se succèdent avec une frénésie qui nous happe, tandis que la roue du destin entraine les personnages dans sa ronde infernale.
« Seule Philo Drax pouvait leur barrer la route, car elle connaissait leurs visages et leurs crimes — mais il ne faisait aucun doute qu’elle devait elle-même rester cachée. Et les Slape avaient depuis longtemps décrété que si elle venait à s’approcher suffisamment d’eux pour les reconnaître, elle ne survivrait pas longtemps. »
Si Philo fait preuve d’intelligence et de courage, s’attirant la sympathie des esprits fins et la jalousie des autres, le clan des Slape semble tout droit sorti d’un cauchemar. Le père n’a rien à envier au pire des croques-mitaine, la belle-mère possède une ruse machiavélique compensant son manque de discernement, quant à Katie… elle fait tout bonnement froid dans le dos ! Dotée d’un puissant et étrange pouvoir de voyance, elle est en effet l’incarnation même de la bestialité et de la cruauté, et gare à celles et ceux qui se mettent sur son chemin, car elle n’hésite pas à jouer de son cher marteau pour faire éclater les têtes qui ne lui reviennent pas !
Au fil de Katie, Michael McDowell fait ressusciter l’âge d’or américain dans tout ce qu’il avait de magistral et de terrible. Du luxe grandiloquent de Saratoga au pire gourbi crasseux de New York, une traque sans merci s’engage. Mais qui chasse réellement qui ? Seule l’histoire nous le dira !
« Katie contient certains de mes meurtres les plus effroyables. C’est sans doute mon livre le plus cruel. C’était très amusant à écrire. »
Éditions Monsieur Toussaint Louverture
460 pages
Caroline