Si l’humanité a oublié qu’elle fait partie de l’écosystème même qu’elle détruit, elle n’en reste malgré tout pas moins qu’une espèce permise tant d’autres… À l’heure de l’urgence climatique actuelle, que se passerait-il si la nature nous rappelait enfin à l’ordre, si elle parvenait à nous ramener à elle ? Comme réponse à ces questions, Patrick Lacan et Marion Besançon imaginent dans Verts un futur possible, sous la forme d’une dystopie utopique où les corps sapiens deviennent des berceaux bourgeonnants de vie végétale.
Un beau jour, un nourrisson vient au monde avec une particularité encore jamais rencontrée, une pousse d’arbre semble prendre racine entre ses cloisons nasales, ne faisant qu’un avec lui. Petit à petit, ce cas unique se transforme en vague et même les enfants plus âgé·es et les adultes voient éclore feuilles et lianes sur leur épiderme. Une nouvelle ère commence alors, qui prendra la forme d’une renaissance pour certain·es et d’une guerre pour d’autres.
Pour le père de Clarence, c’est comme si l’univers le coupait de tous ses repères. Sur le fil depuis que sa femme est tombée dans le coma, il couve son fils d’une autorité obtuse sous laquelle gronde une détresse abyssale couplée d’une rage sourde. Alors que le végétal fait osmose avec les enveloppes charnelles, il rejette de toutes ses forces ce changement inéluctable en souhaitant garder à tout prix le contrôle sur son environnement proche, quitte à commettre l’irréparable.
Sous le trait de Marion Besançon, la nature reprend ses droits avec douceur et poésie tandis que de nouveaux liens se tissent entre les individu·es. Alors que des branches leur poussent et que des fleurs jaillissent de leurs épidermes, les hommes et les femmes se reconnectent entre eux d’une façon depuis longtemps oubliée. Leurs esprits réapprennent à écouter de nouveau les vibrations des arbres et les chants des animaux, les battements de cœur de la Terre. Mais en parallèle, un mouvement pro-humanité lutte contre ce qu’il estime être une « invasion », une mutation « contre-nature » : autant de violences discriminantes où se mêlent spécisme, racisme et refus de l’autre.
Par le biais du fantastique, Verts soulève de nombreuses problématiques actuelles, entrant en résonance avec notre climat social tout en interrogeant notre rapport à la nature. Sublimé par des dessins à couper le souffle, ce roman graphique déploie un avenir que certains considèreront comme effrayant et d’autres comme, souhaitables. Un sans faute qui questionne autant qu’il émeut.
De Patrick Lacan, illustré par Marion Besançon
Éditions Rue de Sèvres
272 pages
Caroline