Avec Brûler l’empreinte, Marina de Van nous plonge à nouveau dans un univers sombre où le suspense et la complexité psychologique des personnages tiennent le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page. L’exploratrice des abysses de l’âme humaine révèle au passage un talent hors pair pour le polar noir, un premier essai maîtrisé avec une précision d’orfèvre. On attend la suite avec impatience.
On connaît son engagement à explorer des sujets complexes et difficiles avec un regard sans concession. Dans Brûler l’empreinte, son premier polar, Marina de Van explore avec une intensité crue les abysses de la psyché humaine, de la dépendance et de la résilience. Connue pour ses films explorant la douleur et l’autodestruction, Marina de Van transpose brillamment ces thèmes dans un univers littéraire depuis son premier ouvrage Passer la nuit (Allia Editions, 2011). Et aujourd’hui elle manipule et réinvente les codes du polar pour révéler des vérités sombres et parfois brutales.
Mise à nu d’âmes tourmentées : un premier polar libérateur
Avec cette première incursion dans le polar noir, Marina de Van trouve une nouvelle liberté pour exprimer des sujets graphiques que le cinéma ne permet pas toujours d’explorer pleinement, car jugés trop “trash”. Elle dépeint sans filtre les impacts de la drogue et de l’alcool, ainsi que la violence physique et psychologique, avec une précision qui transcende le visuel pour frapper directement l’imaginaire du lecteur.
Le roman s’ouvre sur une scène glaçante : Myriam, scénariste de films d’horreur, découvre une vidéo de sa sœur Lucie, enchaînée et maltraitée dans une pièce glauque, où un homme masqué, surnommé “le monstre”, la frappe et l’oblige à sniffer de la cocaïne. L’enquête est confiée à Rachel, une officière de police judiciaire à Paris, qui doit gérer non seulement la complexité de l’affaire mais aussi ses propres démons intérieurs. L’affaire se complique avec l’apparition d’une nouvelle victime, indiquant peut-être l’activité d’un tueur en série. Myriam et Rachel, confrontées à leurs propres ombres et addictions, doivent démêler un réseau de fausses pistes et de révélations pour découvrir la vérité, un processus qui les obligera à faire tomber les masques.
“Elle consulte machinalement ses emails quand elle clique sur un lien envoyé par un expéditeur anonyme et assorti de la mention “Lucie live”. Une vidéo s’ouvre sur le net. Lucie, enchaînée, amaigrie, paraît vannée. Elle est prostrée dans un espace gris, comme une cave, et sa mâchoire ne cesse de remuer tandis que ses paupières lourdes menacent de se clore. Une lampe l’aveugle, comme dans une parodie d’interrogatoire policier. On lui donne un coup de pied, on courbe sa tête vers le sol. Elle gémit. Sur le sol, une assiette de coke est posée. Lucie sniffe une ligne et ses yeux se révulsent, elle convulse. Myriam reconnaît une crise d’épilepsie et elle se met à hoqueter de peur, elle aussi. Qu’est-ce que c’est que cette connerie, bon sang ?!”
Brûler l’empreinte explore ainsi les thèmes de la duplicité, de l’addiction et de la quête de vérité avec une profondeur qui force le lecteur à réfléchir sur sa propre part d’ombre. Des sujets que Marina de Van traite, comme elle sait si bien le faire, de manière à la fois crue et poétique, chargeant chaque scène d’une émotion et d’une tension qui scotchent jusqu’à la dernière page.
Car au-delà de sa capacité à déjouer les codes du polar pour se les approprier, Marina de Van y jette des personnages brillamment construits, dont la complexité psychologique ajoute une couche de profondeur et de richesse à l’intrigue. Les dialogues, incisifs et révélateurs, font non seulement avancer le récit mais ils dépeignent aussi avec finesse les conflits internes et les motivations de chaque personnage.
Avec Brûler l’empreinte, Marina de Van confirme son statut d’écrivaine capable de sonder les tréfonds psychologiques de ses personnages tout en captivant ses lecteurs par une trame dense et des rebondissements inattendus. Ce polar noir n’est pas seulement une enquête : c’est une véritable introspection sur la condition humaine, qui en fait une lecture indispensable pour les amateurs du genre qui y trouveront un nouveau souffle.
Une exploration du corps comme champ de bataille
La sélection cette année de Brûler l’empreinte au Festival international du roman noir (FIRN), qui a choisi la thématique du corps, illustre parfaitement comment le roman de Marina de Van renouvelle les codes du polar noir. Avec ce thème, le FIRN, réputé pour son engagement envers les œuvres qui repoussent les frontières du genre policier, entendait explorer comment le polar peut transcender le simple récit de crime pour aborder des questions corporelles et identitaires qui résonnent profondément dans la société contemporaine.
Dans Brûler l’empreinte, le corps n’est pas seulement le site de l’acte criminel, mais devient un véritable terrain de conflit interne et externe, symbolisant les luttes personnelles et les traumatismes que les personnages portent et affrontent. Le traitement graphique de la chair, à la fois dans les scènes de violence et dans la représentation des dépendances, pose des questions sur la manière dont la société perçoit la fragilité, la résilience et la récupération.
Ce positionnement du corps au cœur du roman fait écho aux discussions contemporaines sur l’autonomie, le consentement et l’image corporelle, faisant de l’œuvre de Marina de Van un commentaire poignant sur l’état actuel des normes sociales et des tabous. Avec Brûler l’empreinte, Marina de Van ne se contente pas d’ajouter un autre titre à la liste des polars ; elle offre une œuvre qui interpelle, questionne et reste avec le lecteur bien après la fin de la lecture.
Contribution majeure au genre, cet inoubliable roman prouve que le polar peut être un puissant vecteur de critique sociale et de compréhension humaine. Vivement le prochain !
Retrouvez aussi notre portrait de Marina de Van sur Undernierlivre.net.
Editions Abstractions
324 pages
Faustine