Attention !
Révélation,
illumination,
transverbération !
Messieurs je vous en conjure, je vous supplie gentes demoiselles, si ce n’est déjà fait, de vous précipiter diligemment sur cette merveille en 10 tomes qu’est De cape et de crocs.
Armand de Maupertuis, renard gascon et son compère lupin Don Lope de Villalobos Y Sangre sont de vrais gentilshommes. Suite à la découverte d’une mystérieuse carte, ils s’en vont sur les mers à la recherche d’un fabuleux butin. Mais ce qui devait être une ordinaire chasse au trésor va se transformer en une formidable aventure. Rejoint par le lapin Eusèbe, ancien garde du cardinal sauvé d’une galère, ils se retrouvent en compétition avec de vils pirates, un janissaire qui cherche sa fille disparue, un avare moliéresque attiré par le mirage de l’or et son capitaine, mauvais comme la peste.
Tout ce beau monde (et d’autres recrutés en route) croise le chemin de Jean sans Lune, prince banni de notre satellite, qui rêve de vengeance, de pouvoir et de théâtre. Ils se rendront tous sur l’astre de nos nuits, qui pour prêter main forte au prince dans son coup d’État, qui pour défendre la belle société lunaire. Entre combats d’épée, joutes verbales et passions amoureuses, le voyage ne sera pas de tout repos…
De cape et de crocs est une petite merveille, un chef-d’œuvre, tant dans les dessins, dans les mots, que dans l’univers. Le monde lunaire est truffé de trouvailles toutes plus magiques les une que les autres : villes mouvantes, poésie comme monnaie d’échange, peuplade de mimes, arbres à fromage et à or… Les auteurs ont crée un monde onirique digne du Philémon de Fred dans lequel on s’immerge avec bonheur : galion volant, fusée de bois, mers de sable, déambulation dans les nuages… tout un univers à faire rêver les lunaires et les steampunks ! Et que dire des mots… Rixmes, tirades à la Rostand (avec un Cyrano en prime), linguistique géographique (les rivages de Métonymie, la partie montagneuse et la partie plate qui constituent la région de Syllepsie, l’immense îlot d’Oxymore…). Le tout dans un écrin illustré sublime. Plus on avance dans l’aventure, plus les paysages deviennent fantasmagoriques, et l’on se plonge dans ces planches comme dans la mer de la face cachée de la Lune.
Les auteurs aiment jouer et se jouer de nous! Entre fantasmes et symboles, chaque tournant de l’aventure nous conduit là où on ne l’attend pas. On a rarement aussi bien joué sur l’imaginaire collectif pour y construire un monde aussi fantasque: un méridien terminateur sépare la face visible de la face cachée, qui serait peuplée de chimères et autres bêtes dangereuses et imprévisibles. Nous lutterons contre les chimères (des vraies! Ou pas d’ailleurs…) rixmerons contre Adynaton, tomberons amoureux (bien évidemment!), bretterons sur des nuages, chasserons le luth sauvage…
Et que dire de ces formidables protagonistes! Renard, loup et lapin se partagent la part du lion dans un univers d’humains, et se retrouvent parfois durement renvoyés à leur condition animale, quand ils sont les plus distingués des gentilshommes. Avec quand même la mention spéciale à Eusèbe, adorable lapin blanc, qui saura se montrer indispensable et fidèle camarade tout au long de l’aventure (vous saviez que les lapins portaient malheur sur un bateau, vous?)
En bref, que dire d’autre sans trop en faire, sinon que cette découverte, certes tardive car le dernier tome est sorti il y a bientôt 2 ans, fait partie de ces œuvres qu’il est juste important de lire un jour, peu importe quand, pour avoir cette claque de beauté, de fantaisie et de poésie. Il faut s’en délecter pour n’en perdre une miette.
Et pour finir, lectrice, lecteur, souffriras-tu que je conclus cette chronique à ma manière en me fendant de quelques vers de rimailleuse des bas-fonds? Loin de la verve de Renard, je voudrais juste m’incliner, et profondément remercier bien avant qu’il ne soit trop tard celle qui a levé le voile sur cette épopée formidable. Merci, Estelle Desétoiles!
Editions Delcourt
10 tomes
Marcelline
Réservez-le!