Eliot Rosewater est riche, très riche. Il est à la tête d’une des plus grosse fortune des États-Unis, il est président de la fondation Rosewater, fils de sénateur et pourrait bien faire ce qu’il veut, quand il veut, comme il veut. Il a tendance à trop boire et à faire des échanges vestimentaires avec des personnes de classe sociale inférieure à la sienne, si possible des pompiers volontaires. Marié avec une femme intelligente et superbe, il n’arrive cependant pas à s’épanouir et se sentir heureux. Puis un jour il disparaît de New-York et retourne vivre dans la ville d’origine de la famille, Rosewater dans l’Indiana. Là-bas il va mener une vie d’ascète et se dévouer entièrement à la communauté.
Mais la fortune sur laquelle il est assis fait, bien évidemment, des envieux: Norman Mushari, jeune loup qui travaille dans le cabinet d’avocats qui gère l’argent des Rosewater, décide de tout faire pour prouver qu’Eliot est fou, et ainsi mettre à la tête de la Fondation un cousin très lointain qu’il pourra manipuler comme bon lui semble.
Après Le petit déjeuner des champions, c’est un autre Vonnegut qui ressort chez Gallmeister cette semaine avec une nouvelle traduction. Moins connu, il prend la forme d’une fable, ainsi que le présente l’auteur. Mais pas de grande surprise quant au contenu, on retrouve les thèmes favoris du grand écrivain américain! Les travers humains sont décortiqués et fouillés jusqu’à la lie, et la société américaine en prend pour son grade. Vonnegut fait de son personnage principal un Rockefeller qui décide d’en terminer une bonne fois pour toute avec le capitalisme et de recréer du lien avec les gens, les habitants lambda des États-Unis. Il répond aux besoins, matériels et psychiques, de ses concitoyens, et se bat contre le feu avec ses amis pompiers volontaires.
Toujours aussi étrange, ce roman de Kurt Vonnegut a un côté plus mélancolique, moins barré, que ses romans précédents. On retrouve toujours l’originalité et la folie qui font la particularité de l’auteur (notamment lors des passages sur l’histoire de la famille Rosewater), mais le ton général de ce livre m’a semblé plus sérieux (étrangement). Si l’on ne peut pas dire que l’œuvre de Vonnegut soit optimiste et porteuse d’espoir tant il sait souligner les nombreux défauts des êtres humains, il y a dans Dieu vous bénisse, Monsieur Rosewater, un je-ne-sais-quoi de plus touchant qu’ailleurs. Est-ce de voir tous les obstacles mis dans les pattes d’un homme qui veut juste se sentir utile? Est-ce la lutte acharnée mais vaine contre un système qui prône l’inégalité et le mépris, l’affrontement avec des individus incapables de comprendre qu’ils sont eux-mêmes la cause de la déliquescence de la société.
Et pourtant, pourtant, une fois n’est pas coutume, il y a comme un vent de légèreté à la fin, une once d’optimisme portée avec une belle absurdité qui nous fait croire que peut-être, un jour, ça ira mieux.
Éditions Gallmeister
220 pages
Marcelline