Rock’n’roll, non? Sauf que…
Plutôt que d’écouter les Stones, Ray préfère une conférence de son vieux professeur sur le siège de Vicksbruck, pendant la guerre de Sécession. Loin du pied au plancher, il prend soin de sa voiture au moins aussi bien, et sûrement mieux, que de sa femme. Enfin, l’époque étant ce qu’elle est, les routes en direction du Sud fourmillent d’hurluberlus tous plus berlus les uns que les autres. Après avoir semé son avocat, c’est un ancien doc, à la moralité douteuse ou pour le moins étrange, des hippies largués, des Indiens, des évangélistes, et un livre qui devrait normalement changer sa vie, dixit le doc Symes, qui viennent ponctuer son voyage jusqu’à Belize. En attendant le dénouement, ou la tempête.
Sorti aux États-Unis en 1979, Un chien dans le moteur est l’un des plus connus de Charles Portis dans son pays natal. Il est plus célèbre chez nous avec son western True Grit (adapté il y a quelque temps de cela par les frères Coen au cinéma). Après avoir joué avec les cow-boys et les Indiens, Portis a décidé de revisiter le mythe du road trip. Mais loin de la recherche éperdue du sens de la vie, de sa vanité et de la volonté de perdre tout (et surtout sa santé mentale) dans des expériences plus psychédéliques les unes que les autres, le héros de Portis, Ray Midge, est un jeune homme de 26 ans en reprise d’études pour devenir prof (ainsi le voudrait-il) qui cherche sa femme et sa voiture (ou l’inverse). Un peu looser, un peu moraliste, un peu paumé, Ray pourrait traverser cette équipée sauvage sur la brèche et en ressortir neuf, rêveur et changé. Sauf que… non, toujours pas. Les seventies se terminent, les idéaux s’écroulent et le road trip sauvage et déchaîné cuve dans un bar de frontière avec les derniers hippies. Loin de rechercher la libération et l’ouverture vers l’univers, Ray n’aspire qu’à rentrer chez lui avec sa femme et sa voiture (ou l’inverse) et ses conférences sur cassettes.
C’est avec un humour sec et noir et un gentil acharnement sur son personnage principal que Portis s’amuse avec les codes de la traversée de continent de longue haleine, gardant les routes ravagées (comme les auto-stoppeurs), les rencontres improbables et les rebondissements absurdes, tout en en déroulant le fil de la fin d’une époque, dont chacun décidera en son âme et conscience s’il convient de la pleurer ou non. (Pour ma part je m’en retourne ouvrir une bière et écouter Janis.)
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Adèle Carasso.
Editions Cambourakis, 2014. 263 pages.
Marcelline
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