Dix décembre est un recueil de nouvelles extraordinaires. Ces dix textes, parfois très courts brillent d’une force incandescente qui laisse le lecteur pantois, aux prises avec ces lignes où rien n’est mis au hasard. Salué par David Foster Wallace, Kurt Vonnegut et Jonathan Franzen pour ne citer qu’eux, George Saunders est un fabuleux nouvelliste qui pour peindre le portrait d’une Amérique décadente utilise un quotidien banal avec des personnages souvent médiocres sur lesquels il pose une touche d’absurdité inquiétante qui permet de toucher à l’anticipation sociale et de traduire avec tendresse un monde d’une rare violence.
Ouverture : Une jeune fille descend des escaliers, s’imaginant son futur anniversaire et son futur prince charmant. Sauf que aïe ! Un pervers sonne à sa porte et lui promet de passer un sale quart d’heure « si, niveau cul ça se passait mal ». De l’autre côté, en ricochet un jeune homme qui n’a d’yeux que pour elle mais qui n’est pas de son goût – « on dirait un squelette avec une coupe mulet. » – observe la scène jusqu’à la chute finale et imprévisible.
Saunders créer un huis clos psychologique, sondant les pensées profondes de ses personnages, leur angoisses, parfois complètement irrationnelles – « Le voilà qui courait.Il traversait la pelouse. Oh non ! Qu’est-ce qu’il faisait, là, mais qu’est-ce qu’il faisait ? Merde. Le nombre de règles qu’il enfreignait ! » – mais qui traduisent l’oppression des parents et d’une société corseté jusqu’à l’absurde.
Nous traverserons également un jardin avec un enfant attaché à un arbre ou encore des Semplica Girls, pauvres poupées humaines qui sont reliées par un filin et engagées pour faire partie de la décoration afin de satisfaire une fillette. Le jardin ce lieu si caractéristique du paraître américain où se joue les plus belles atrocités.
L’imagination de Saunders n’a aucune limite ; à l’image de ses personnages capables du pire, tant ils ont l’envie dévorante d’arriver à intégrer cette société fantasmée où l’argent est absolu et synonyme de bonheur.
Une autre idée du bonheur est ébauchée lorsque un homme est engagé dans un laboratoire afin de tester des drogues qui permet d’aimer et de des-aimer sans affect et sous contrôle.
Puis vint le tour d’un autre, engagé dans un jardin médiéval afin de distraire les riches bourgeois et pour lequel il doit gober des pilules qui transforment son langage, ce qui le mènera à sa perte.
Le thème du langage chez Saunders est récurrent et central. Le monde de ses personnages s’effondre à partir du moment où ils ne sont plus capables de communiquer. Les Hommes sont des êtres de langage et perdent toute sensualité, toute humanité dès que celui-ci vient à disparaître.
Malgré l’acidité et la critique omniprésente de cette loi du paraître qui gangrène les personnages, Saunders est un humaniste et croît intensément en la bonté des Hommes et c’est donc empli de tendresse que les personnages sont malmenés avec cette écriture si volubile et magicienne que celle qui caractérise Saunders. Une très belle découverte !
Editions de l’Olivier
Trad. Olivier Deparis
260 pages
Gwen