Il y a eu une battue, pour éliminer les aborigènes, exterminer ces « nuisibles », qui empêchaient les colons anglais de s’installer. Ces mangeurs de bébés, brûleurs de terres étaient craints et méprisés. Du coup le gouvernement avait commandé la capture ou l’extermination des aborigènes. John Batman avait monté une équipe de neuf parmi lesquels figuraient des repris de justice et des aborigènes « apprivoisés ». Black Bill, Vandémonien (natif de Tasmanie) était en quelque sorte son bras droit. Ce livre est leur histoire, de cette battue, de leurs affrontements avec les aborigènes et surtout de la rivalité entre Black Bill et Manalarguenna.
Il s’agit clairement d’un grand roman, peut-être même d’un futur classique. A travers un éclairage inédit sur une histoire dans l’Histoire de l’Australie, Rohan Wilson distille avec malice et brio tout son savoir-faire au profit d’un récit dense et inventif.
Imaginez un univers froid et âpre comme le « Moby Dick » de Melville, aux tensions et violences dignes d’un « Méridien de sang » de McCarthy le tout saupoudré de dialogues et d’hommes aussi rudes que dans « Le chant du monde » de Giono. La Battue c’est cette sensation d’avoir en face de ses yeux un texte aussi dur et transcendant que les titres nommés plus haut, d’avoir une histoire beaucoup plus profonde et intense qu’une simple chasse à l’homme et surtout une portée narrative beaucoup plus puissante que la première vision qu’ on pourrait avoir en fermant le livre. Ce premier roman est un coup de maître. Il est dur de garder une certaine objectivité devant « La battue » tant la qualité d’écriture, le fond et la forme percutent et nous transportent.
Sorti dans la prestigieuse collection « Les grandes traductions » chez Albin Michel, ce texte y fait honneur. Le travail de traduction de Nadine Gassie est vraiment impeccable, que ce soit le respect du ton ou de l’univers de l’auteur, le cahier des charges est plus que rempli. D’ailleurs Nadine Gassie a dû faire preuve d’audace et de malice pour traduire un texte aussi rude aux dialogues aussi noueux et tortueux que des racines de bougainvillier.
« La Battue » est clairement le roman inattendu, le texte qui sort discrètement, que l’on pourrait totalement louper. Mais ce serait une grossière erreur et fort dommage pour vous. Car ce texte vous foudroie par son génie. L’auteur vous prend aux tripes et ne vous relâche pas, l’histoire vous submerge et vous ensevelit dans un monde purement incroyable. Un premier roman audacieux et surtout talentueux, mais espérons-le, un premier roman qui ne sera pas le dernier.
Albin Michel
Collection Les grandes traductions,
Trad. Nadine Gassie
290 pages
Ted.