1- Le Livre brisé de Serge Doubrovsky. Ce livre me fascine par sa puissance – le pacte autobiographique porté à son plus haut degré puisque l’épouse de l’écrivain y disparaît – mais aussi par sa langue, d’une force et d’un rythme incroyable. On a voulu porter un regard moral sur ce livre, cela me semble absurde. La question qu’il pose incidemment est celle de la place de la littérature, de son sens, de sa nature, de sa fonction dans la vie de ceux qui la font. On ne peut pas complètement faire comme si les deux choses étaient distinctes.
2- Histoire de l’œil de Georges Bataille. J’ai découvert ce livre à quinze ans, ça a été quelque chose comme une révélation confuse : on pouvait parler de sexe sans légèreté. Il y avait un endroit où se rejoignaient, dans la pornographie, les pulsions de vie et de mort, le sexe et la métaphysique. Bataille a été très important pour moi, pour vivre et pour écrire. Je reviens de temps en temps à ses livres, L’expérience intérieure par exemple, je n’ai pas fini de l’explorer.
3- Lolita de Vladimir Nabokov. Je l’ai lu après avoir vu le film de Kubrick (que j’aime beaucoup). Je trouve ce livre incroyablement fort, audacieux, romanesque aussi. Je ne sais pas si on pourrait l’écrire aujourd’hui, maintenant que tout le monde est obsédé par l’écrivain derrière les personnages. Il y a une liberté remarquable, et la virtuosité de Nabokov, évidemment.
4- Bureau de Tabac de Fernando Pessoa. Le plus beau poème du monde avait titré Libération. C’est un texte absolu, qui fait partie de ma mythologie familiale parce que je l’ai entendu dire sur la scène du théâtre de mon père. “En ce moment cent mille cerveaux se prennent en rêve comme moi pour des génies et l’histoire n’en retiendra peut-être pas un seul”. Dans la traduction de Rémi Hourcade, qui est la première que j’ai apprise, et la plus belle.
5- La cloche de détresse, de Sylvia Plath. Le seul roman de Plath, plutôt poétesse, écrit quelques mois avant son suicide, et qui raconte sa première tentative, alors qu’elle est une jeune fille à qui tout semble réussir. Un livre paradoxalement très alerte, dynamique, agréable à lire, qui fait cohabiter la dérision et la mélancolie.