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La colline des potences – Dorothy M. Johnson

«Il se tenait à carreau en ville et ne s’y montrait en général qu’après s’être assurée que le shérif était à l’autre bout du pays. Et quand le shérif apprenait que le Kid allait arriver, il trouvait quelque chose à faire à l’autre bout du pays. »

Le nom de Dorothy Johnson ne vous dit peut-être rien… L’homme qui tua Liberty Valance vous parle un peu plus ? Un homme nommé cheval aussi ? Et bien c’est elle. Le genre littéraire du western s’étale peu en France, on préfère en général les voir sur grand écran, et pourtant il serait criminel de passer à côté de ce recueil de nouvelles.

Avant d’arriver au sommet de la colline des potences, on va croiser une famille qui retrouve, 40 ans après son enlèvement par les Indiens, une sœur. Enfin délivrée ou nouvellement prisonnière ?
Un bandit de grand chemin brise le cœur d’une jeune femme dans Une dernière fanfaronnade ; un cow-boy se retrouve bien malgré lui entraîné avec une bande de hors-la-loi sans foi ni loi, dont il précipitera, tout autant malgré lui, la chute ; un homme se remémore son accointance avec un fameux bandit devant un jeune homme mythifiant les figures du Far West ; un homme blessé tente de guérir une vieille blessure, et celle d’une famille brisée au passage ; un vieil homme résiste dans ces derniers moments tant face à la mort que face à cette époque grandiose qui s’achève avec lui…
Voici une partie des histoires que l’on croise sur le chemin de la colline des potences. Des histoires posées dans un décor que l’on s’imagine tous sans aucun problème : un désert aride et sec, des vagues de poussière brûlante, des troupeaux et des hommes assoiffés, qui en recherche d’eau, de whiskey ou d’or. On s’immerge avec une facilité déconcertante dans les histoires de Dorothy Johnson, et s’en extraire n’en est que plus compliqué. Efficace dans des formats parfois très courts, drôle, cinglante, touchante, Dorothy Johnson dévoile une palette parfois ignorée dans cet univers dur et violent du Far West. Ses personnages, des plus ingénus aux plus rebelles sont tous plus complexes qu’ils n’en ont l’air, cachant et dissimulant pour survivre et réussir, d’une manière ou d’une autre, à réaliser le rêve de la ruée vers l’or.

« Y a une chanson qui en parle. Ca dit ”Comment t’appelais-tu dans les États-Unis ? Était-ce Johnson, Olson ou Kennedy ? ” »

Et puis on y arrive, enfin à cette fameuse Colline des potences.
Doc Frail est le médecin de Skull Creek, à peine un camp de chercheurs d’or. Cynique, craint, mais respecté de par son métier et sa réputation (un peu volée) de tueur, l’homme toise chaque nouvel arrivant dans la ville, se demandant lequel d’entre eux, car il le sait au fond de lui, causera sa pendaison. L’arrivée d’Elizabeth Armistead, jeune femme orpheline et blessée suite à l’attaque de la diligence qui la transportait va venir chambouler la vie de Doc Frail et l’équilibre fragile du camp.

On sent à chaque page le goût de la poussière, la morsure implacable du soleil et ce fourmillement sur la nuque, signe que bien qu’invisible pour le moment, une menace est bien présente. Et au milieu de cela Doc Frail et ses acolytes tentent de prendre le parti de leur vie sacrifiée, perdue pour un rêve, de l’or, un ami, une femme, et de récréer un semblant d’humanité dans ce désert déshumanisant.

Que l’on aime ou pas le western au cinéma, il serait bien malheureux de se priver de sa version papier, car Dorothy Johnson donne vie à une mythologie et lui apporte une force et une beauté qui vous feront refermer le livre avec une émotion rare en suspens.

la colline des potencse couv302 pages
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Lili Sztajn
Éditions Gallmeister

Marcelline

À propos Marcelline

Chroniqueuse/Co-Fondatrice

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