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A Single Man – Christopher Isherwood

A Single Man est un court roman de Christopher Isherwood, publié en 1964.

Si vous en avez assez de lire les mêmes choses dans tous les romans concernant les homosexuels, je vous recommande fortement cette lecture.

George est un professeur de littérature anglaise en Californie. Il vit seul depuis que son amant, Jim, est décédé. Le roman montre un jour dans le douloureux processus de deuil de l’être aimé.

A Single Man n’est pas tant le portrait d’un homosexuel que d’un homme à l’écart de la société jetant sur elle et ses conventions, un regard vif et pénétrant. George est non seulement homosexuel mais vient également d’Angleterre ce qui le met encore plus à part. Clin d’oeil à la tradition de la comparaison transatlantique si chère aux étudiants de littérature anglaise qui est ici complètement détournée.

George n’est pas votre vieux professeur anglais qui boit du thé toute la journée et regarde les Américains d’un air désapprobateur. D’abord, il préfère la vodka, ensuite, lors de débats avec d’autres professeurs qui essayent de se donner un air intellectuel en critiquant la société américaine, il se trouve souvent à défendre qu’à critiquer quitte à traiter ses collègues d’intellectuels français (quelle plus grande insulte, je vous le demande). George préfère aller à la salle de gym qu’à des conférences contre le communisme. Il offre ce point de vue tout à fait novateur, surtout pour l’époque, sur les Etats-Unis et sur les intellectuels.

En effet, ce qui frappe dans ce roman, c’est surtout le rapport au corps. Ici, le corps n’est pas uniquement un instrument de plaisir sexuel ou une machine esthétique. On lit beaucoup de moments où George fait allusion aux besoins de son corps : la nourriture, l’activité physique, le désir sexuel. Rien n’est romancé, ce qui est très rafraîchissant si on est le genre de lecteur qui se demande comment les personnages respirent aussi longtemps sous l’eau. Ces passages permettent également de se rapprocher du personnage principal. Il n’est pas une figure parfaite avec des défauts faits pour faire avancer l’intrigue. On fait face à ce qui ressemble fortement à un être humain, pour un personnage de roman.

L’intimité du corps dans laquelle le lecteur est invité est étendue à l’intimité des sentiments. George fait le deuil d’un amant qu’il a connu de nombreuses années et qu’il n’imaginait avoir à survivre. Les souvenirs de sa vie avec Jim surgissent au beau milieu de la journée, dès le réveil. Certains passages vont vous briser le coeur. Le style est très poétique et pourra vous évoquer un très long poème en prose.

L’intérêt du roman ne réside pas seulement dans le lyrisme de la situation de George mais aussi dans les thèmes abordés. L’homophobie joue bien sûr un rôle très important : George est incapable de partager son deuil, avec l’exception de son amie Charlotte (Charley) ce qui rajoute à la pesanteur de la situation. On retrouve également la menace de la Guerre Froide et de la bombe atomique. Certains collègues parlent d’acheter des abris nucléaires tandis que George fait face à la fin du monde avec un certain calme détaché. La menace communiste est évoquée : des conférences sont données sur ”comment repérer un communiste”. Tous ces détails donnent un témoignage historique très intéressant sur la période avec un point de vue très marqué.

Outre la situation historique et le thème de l’amour perdu, de nombreux sujets sont abordés en fragments de pensées. George réfléchit à la place des intellectuels dans un monde de plus en plus tourné vers la consommation, aux étudiants qui ne comprennent pas que leur passion est essentielle au monde matérialiste… Même la paperasse qui l’attend sur son bureau entraîne une réflexion sur l’obsession de l’administration avec la communication.

Kenny, le jeune étudiant de George mérite une mention spéciale. Kenny est le symbole d’un espoir nouveau. Il est jeune et brillant mais la mélancolie hante ses pas. Il est probablement le personnage le plus sincère avec George. Il vous fera sans aucun doute penser à votre adolescence. Il porte également la promesse non-tenue d’un amour nouveau pour George.

Vous l’avez compris, c’est un roman intense sans longueur : chaque phrase vaut la peine d’être lue et relue encore et encore. C’est un roman bâti sur des détails.

Un dernier mot sur l’adaptation cinématographique de Tom Ford. Ne vous attendez pas à retrouver le film en mots. De nombreux détails sont ré-arrangés : l’accent est mis sur le deuil de Jim et sur le deuil, la relation entre George et Kenny est encore plus ambiguë, des scènes sont ajoutées, d’autres sont retirées… L’adaptation a cependant su garder l’aspect le plus important du roman : l’importance des détails, soulignée grâce à des gros plans magnifiques. Je ne pourrais que vous conseiller le film avec le roman.

a single man - fin

160 pages

Vintage Classic

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Chroniqueuse

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