Qu’elle vienne du ciel, de la mer, des entrailles de la terre ou de guerres intestines, l’endormissement est la plus grande menace qui pèse sur la race humaine. Le récit post-apocalyptique, qui naît au siècle dernier avec la catastrophe des deux guerres mondiales, nous rappelle que notre monde confortable, civilisé, peut s’effondrer d’un instant à l’autre emportant avec lui nos certitudes.
Edgar a trente cinq ans et vit avec sa femme Beth et ses deux enfants, Alice et Arthur à quelques kilomètres d’Édimbourg. On sait qu’il travaille dans un bureau, dans l’informatique plus exactement mais c’est un détail de l’intrigue. Travailler signifie pour lui boire du thé avec ses collègues et pouvoir échapper à ses responsabilités familiales, “tout homme mérite sa planque”. Il vivote, s’enivre au pub, mange trop. Des certitudes, des croyances ? Il n’en a pas vraiment, tout comme cette classe moyenne qui regarde le spectacle des vivants d’un œil fatigué, use ses pouces opposables pour faire défiler machinalement son fil d’actualité Facebook ou appuyer sur le bouton d’une télévision qu’elle ne regarde plus vraiment.
C’était une farce, ça ne rimait à rien.
Adrian J. Walker rend compte à la perfection dans son premier roman de cette société de consommation et de communication dans laquelle nous vivons. La génération zombie ne voit pas venir la catastrophe et les alertes des plus grands scientifiques se retrouvent noyées dans les médias. Théorie du complot, canular de l’été ? Les Hommes sont des « créatures vivant dans le déni, qui ont appris à ne pas avoir peur de ce qu’il y a dans leurs placards ».
The End of the World Running Club invite le lecteur dans un univers unique faisant écho à la littérature de la catastrophe et d’horreur de la seconde moitié du vingtième siècle et au cinéma et séries du début du vingt-et-unième. Atmosphère angoissante de fêtes foraines, de balançoires rouillées et personnages peu fréquentables de Stephen King, humour anglais à la Shaun of the dead, scénario palpitant digne d’un très bon épisode de Walking Dead, on dévore sous adrénaline les 558 pages du roman.
Edgar Hill, pas vraiment un homme taillé pour devenir une légende mais qui nous embarque tout de même avec lui dans une course effrénée contre la montre à travers une Angleterre dévastée. Lorsque un astéroïde frappe la terre, il pense naturellement à sauver les siens mais pas les autres. Dans la caserne militaire dans laquelle il atterri avec sa famille, un quotidien relativement confortable se remet en place et avec lui les mauvaises habitudes. Ce n’est que dans la lutte qu’il trouvera son véritable moteur. Parti en mission de ravitaillement dans les décombres de la ville, il manque l’hélicoptère venu les sauver. Sa famille est partie sans lui rejoindre les bateaux de Cornouailles censés les emmener vers des contrées moins touchées par la catastrophe.
Comment parcourir près de huit cents kilomètres en seulement quelques semaines ? En courant et c’est ainsi que le End of the World Running Club composé de « civils ramollis » se forme.
J’ai regardé la rue, en contrebas, et les plaines du sud dévastées, qui se déployaient sous la brume. Soudain, mes bras et mes jambes se sont mis à trembler malgré moi. J’éprouvais un irrépressible besoin de courir, de dévaler la colline et de poursuivre ma course, de remonter le fil en m’aidant des bras, de le lover dans mon cœur et de tirer les miens vers moi.
Alors on court avec eux, au rythme des pas douloureux d’Ed, des bonnes et des mauvaises rencontres. Jeune fille mère cannibale, vieux Lord survivant grâce aux fantômes du passé, les destinées personnelles se multiplient comme autant de réponses possibles à la catastrophe. A chacun son histoire, à chacun sa version de l’histoire…
Sonia
Adrian J. Walker, The End of the World Running Club, Hugo et Cie, Hugo Thriller, trad. David Fauquemberg, juin 2016, 558 p.
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