Alan Heathcock

Auteur d’un premier recueil de nouvelles (Volt) aux éditons Albin Michel dans la collection Terre d’Amérique, Alan Heathcock nous a donné son top 5 :

 
5. James Salter, American express : Salter est souvent cité comme étant l’un des Grands écrivains américains. Bien que je trouve ses phrases admirables dans leur merveilleuse simplicité, je ne sens pas que suffisamment d’attention ait été accordée à ses dons incroyables de conteur. J’ai lu et étudié les nouvelles « Dirt » et « Dusk » tant de fois, sans compter sur l’énigmatique et indéniablement convaincante « Akhnilo » qui est une étude parfaite du suspense, c’est une des meilleures nouvelles que j’ai lu.
4. Joy Williams, Taking care : J’ai lu son recueil quand j’étais un jeune homme qui devait se décider sur son avenir. L’idée de devenir écrivain n’était qu’une vague lueur au fond de mon esprit. Ces histoires étaient tendues et souvent brutales, toujours vraies et sans faille. J’ai été captivé, pris d’empathie avec ces personnages qui se comportent mal. Puis, j’ai lu “Winter Chemistry,” qui commence par l’histoire de deux jeunes filles éprises de leur
professeur de chimie, et se termine dans la violence, une histoire qui m’a remué si profondément que la lueur s’est transformée en éblouissement et je savais que, fermant le livre, je devais poursuivre la vie d’écrivain.
3. Joyce Carol Oates, Upon the sweeping flood and other : Tandis que j’enseignais à l’Université de l’Etat de Boise, j’ai eu un élève qui avait grandi dans un ranch qui me déclara n’avoir jamais lu de femme écrivain car elles n’écrivaient que des histoires gentillettes sur la vie au foyer. Pour combattre son ignorance, je lui ai donné la nouvelle « Upon the sweeping flood » du recueil du même nom. L’histoire – celle d’un homme qui conduit à corps perdu dans un ouragan juste pour se retrouver coincé dans une ferme avec son fils et sa fille – cette rage et la férocité d’un ouragan avec certainement la fin la plus violement choquante que je n’ai jamais lue. Cela a fait ravaler son ignorance au garçon de ranch. Oates a écrit beaucoup de grandes histoires, celle-ci, bien que pas autant citée que ses histoires récompensées, est, selon moi, son meilleur livre, et mérite d’être mentionné comme l’un des meilleurs recueils de nouvelles de la seconde moitié du vingtième siècle.

2. Marilynne Robinson, Gilead : Une histoire presque sans intrigue sur un pasteur âgé, proche de sa fin, qui délivre ses mémoires en forme de lettre à son jeune fils. Avec cette description, j’aurai laissé de côté ce livre pour un bon moment. J’ai besoin d’action, je pensais. Je veux une intrigue. J’ai besoin de grandiloquence. Cependant, ce que je n’avais pas pris en compte était la profondeur de la vérité et de la sagesse que je n’avais jamais appris dans les romans. Est-ce assez pour me prendre au piège, pour me laisser m’extasier, à modifier la façon dont je me suis perçu en tant que créature morale dans un monde qui est souvent inquiétant? Oui, et oui, et oui. Si je peux accumuler une fraction de la perspicacité que le personnage de Robinson offre, le pasteur John Ames Boughton, alors j’aurais eu une vie bien remplie.

1. Cormac McCarthy, la route : Pour moi il y a Cormac et il y a tous les autres. J’ai lu, et j’admire, tous ses romans, et je pense que plusieurs d’entre eux sont parfaits. Son accomplissement esthétique avec « Méridien de sang » est, je crois, inégalé, et la dépravation du psychopathe d’« Un enfant de dieu » est le plus énervant que j’ai pu lire. Mais « La route »  se lit comme il s’écrit, me faisant considérer le monde à nouveau, frappant si profondément dans ma psyché il éveille des émotions que j’ai longtemps nié exister. Inspiré par l’ambition, j’ai fini le livre et je l’ai immédiatement recommencé, sachant que pour écrire un livre comme « La route » il me faudrait travailler toute ma vie. En avant.