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Alexandre Friedrich – Fordetroit

Il s’agit de la deuxième publication Chez Allia de l’auteur d’ « Easyjet », paru en 2014, Alexandre Friederich reprend sa plume non pas pour nous parler d’un nouveau périple de vingt jour en avion qui le mènerait encore une fois à dix-sept destinations différentes, mais pour nous raconter son séjour et ses rencontres dans la ville industrielle américaine Détroit.

« Détroit est une ville étrangère. Elle est vaste, dure et déserte. Incompréhensible. Imprenable. Un pays-machine. Ceux qui tournent dans ses murs cherchent une issue. Ils ne trouvent pas. Pris de vertige, Ils tombent. Ils se couchent sur les trottoirs et dans les parcs. Ils ferment les yeux. Rien de ce qu’ils savent…rien – il n’y a pas de secours. Et je ne parle pas des avenues, des rues, des carrefours, du découpage et des friches, mais d’un sentiment insidieux puis envahissant : Le sentiment d’être un corps sans esprit. »

Ville nouvelle des années trente, incarnation d’un idéal capitaliste qui a tout pour séduire les masses, Détroit fut le fleuron de l’industrie automobile, Ford en chef de file, cette ville-industrie gigantesque était la promesse de pouvoir, richesse et liberté pour n’importe quel américain.
Alexandre Friederich débarque dans cet univers, un vélo Roadster d’occasion pour tout véhicule et part à la rencontre des autochtones de Détroit. Les ivrognes, les camés, les allumés, les ouvriers, les sans abris, les mères de familles, etc… de brèves rencontres toujours ponctuées par des traits d’humours, l’aventure défile sous nos yeux et le constat d’une ville fantôme laisse peu à peu place à un univers tout autre, une fourmilière qui cherche à se relever.

« Car l’Amérique est passée maître dans cette stratégie de la table rase. L’Histoire l’inquiète. L’Histoire est une maladie. Elle la voit comme une spécialité réservée aux érudits qui fabriquent des livres. Et comme nul ne lit, elle meurt. Le temps, Oui, à condition d’être orienté vers le futur. Temps lisse, continu, ascendant. Temps des conquêtes. Sauf qu’à Détroit l’effondrement est massif, les dommages visibles, les bras insuffisants, la foi entamée. Ce qui en fait un lieu de désordre. »

Quelque part entre William T. Vollmann et Eric Vuillard se situe Alexandre Friederich et son Fordetroit. Un texte court qui s’attache à raconter l’expérience de l’auteur durant son séjour à Detroit, démontrant avec simplicité et singularité, mais dans une écriture raffinée et stylisée, une ville tombe où ne subsiste plus que les souvenirs, les ruines et des hommes qui tentent de se reconstruire. Des enfants de cet idéal qui cherchent, tout en se démarquant de leurs ancêtres, à rebondir sur une alternative qui pourrait les remettre sur le devant de la scène. Entre absurdité et moments de grâce, texte contemplatif et leçon d’histoire, Fordetroit, est plus qu’un simple exercice de style, ce texte est un témoignage honnête et sans concession. Fordetroit est la vision européanisée de l’Amérique industrielle en ruine et du changement aussi simple et loufoque qui s’opère chez les habitants de ce vestige.

fordetroit couvÉditions Allia,
128 pages,
Ted.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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