Come Prima, traduction en français: “Comme Avant”. Un titre bref et succinct pour une histoire d’une envergure si grande! Un dessin et une narration simples pour conter la relation compliquée de deux frères, un road trip sans prétention qui va remuer tant de choses et tant de souvenirs… Dessiner avec humilité la complexité de la vie à travers des planches lumineuses et sensibles, voilà ce qu’Alfred a tout simplement réussi à retransmettre à travers ce récit récompensé par le fauve d’or 2014 du meilleur album.
Giovanni décide d’aller à la rencontre de son frère ainé afin de lui proposer de ramener les cendres de leur défunt père dans leur pays natal qu’est l’Italie. Cela fait 10 ans que les deux hommes ne se sont pas vus, après que Fabio ait mis volontairement une distance muette entre lui et le reste de sa famille. S’entame un voyage dans une petite voiture vers un pays plein de lointains souvenirs que les deux hommes ont cherché a enfouir respectivement dans leurs coeurs tout au long de leurs vies d’adultes.
Ils croiseront un curé ancien résistant, un voleur d’autos farfelu et adopteront un chien pouilleux entre deux escales et quelques disputes. Tandis que l’un fuit tout lien, habitué à ces nombreuses années d’exil loin de sa terre et de sa famille, l’autre cherche à le ramener parmi les siens, le rapprocher de ses racines et de comprendre les raisons de cette fuite si brusque.
Des mots durs balancés en pleine figure et des coups de poings verbaux seront lancés, une rancoeur macérant depuis 10 longues années de silence manquera à plusieurs reprises de briser cette fraternité tremblante entre Giovanni et Fabio.
Les non-dits pèsent tout d’abord sur les pages de cet album, puis peu à peu certains pans du voile se lèvent, laissant entrapercevoir un passé pendant la campagne d’Afrique, une enfance insouciante et une adolescente pleine de tournants décisifs, un passage à l’âge adulte en plusieurs plans.
Des planches sans phylactères aux aplats de couleurs tout en découpes nous replongent aux coeurs des émois de l’adolescence des deux frères, ponctuant le récit de flash-back poétiques, aux allures de collages se superposant à la réalité présente.
Mais l’auteur ne nous dévoile pas tout, nous laissant à nos propres déductions selon nos expériences personnelles et notre sensibilité propre, de la même manière qu’il explique une seule et unique situation selon les point de vus opposés des deux frères. A chacun sa vision de l’expérience commune qu’est la vie.
Ici, Alfred soulève de nombreux sujets sensibles qui touchent chaque Homme au cours de son passage sur Terre; les rapports fraternels, avec leur lot de conflits, de jalousie mais aussi de tendresse débordante cachée par un amour-propre mal placé, les disputes et les liens trop longtemps détendus que l’on regrette de ne pas avoir précieusement conserver malgré les désaccords.
Des paysages magnifiques défilent le long de cette route, métaphore du court de la vie que les deux compagnons remontent pour percer l’abcès des tabous et des rancoeurs. Beaucoup d’humanité condensée dans cet album aux paysages lumineux d’une Italie d’après guerre, qui renvoie au cinéma italien des années 60 et qui conserve avec nostalgie un passé plein d’espoir autour de deux frères. Deux frères se retrouvant pour parler de leur passé, se re-rencontrer au présent et se créer un nouvel avenir pour, au final, essayer de se retrouver proches «comme avant».
Editions Delcourt, collection Mirages
224 pages
Caroline
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