Si Algernon Blackwood (1869-1951) n’a pas trouvé sa voie au Canada, il quitte le Grand Nord riche de sa connaissance des légendes locales. De fermier à journaliste, l’exilé britannique exerce de multiples fonctions avant de se lancer en tant qu’écrivain au tout début du XXe siècle. Il excelle tout de suite dans le genre Fantastique, avec un goût prononcé pour l’horreur. Son œuvre, des plus foisonnantes, sera d’ailleurs chaleureusement saluée par H.P Lovecraft.
Avec La Forêt pourpre, les éditions de l’Arbre Vengeur ont concocté un recueil de cinq nouvelles Fantastiques écrites entre 1906 et 1921. Avec pour décor l’arrière-pays canadien, ces histoires nous transportent dans de majestueuses et mystérieuses forêts sombres. Immenses et inexplorés, ces territoires abritent de magnifiques animaux : loups, ours ou lynx. Mais aussi l’étonnant orignal, que l’homme blanc s’enorgueillit d’être venu massacrer. Pour le guider, le vaniteux chasseur emploie un descendant des peuples natifs, pour qui il n’a pas beaucoup de considération non plus.
Bien mal lui en a pris. Car s’il avait écouté les recommandations de son compagnon autochtone, l’expédition n’aurait sans doute pas pris un tel tour tragique …
Un drame, inattendu et atroce, précipita notre paisible campement dans une telle confusion, qu’à présent tout semble s’être produit avec la rapidité étrange d’un rêve.
Pour points communs, donc, à ces histoires aux limites du surnaturel, des hommes arrogants qui se comportent en maîtres avec la Nature. Mais dès la nuit tombée, ce qui ne manque jamais d’arriver, Blackwood aime les plonger dans la confusion. Autour d’un faible feu de camp ou à la lueur d’une lampe à huile, des phénomènes qu’ils identifient mal provoquent en eux le malaise. Avec des évocations inquiétantes, subtilement distillées, l’auteur installe le doute dans les esprits puis, immanquablement, l’effroi.
A la manière d’un conteur, Algernon Blackwood dévoile des légendes à travers la voix des autochtones qu’il met en scène. En filigrane dans ces récits d’épouvante il développe une réflexion sur la supériorité de la Nature sur l’humain et du respect qu’il faut lui témoigner. C’est également un plaidoyer en faveur des peuples natifs, dont la connaissance de leur environnement est à prendre au sérieux. Enfin, l’auteur produit un éloge du surnaturel, thème qui lui est cher.
Un recueil tant savoureux que rapide à lire. De l’épouvante dans une ambiance de feu de camp, à découvrir en cette semaine d’Halloween.
Paru le 22 septembre 2022 aux éditions de l’Arbre Vengeur
Nouvelles traduites de l’anglais par Romane Baleynaud
Recueil illustré par Greg Vezon, qui signe par ailleurs la plupart des couvertures du domaine Fantastique de l’Arbre Vengeur
204 pages
Du même auteur, à l’Arbre Vengeur : L’Homme que les arbres aimaient
Amélie