Un dernier livre avant la fin du monde WebZine Littéraire
Le nouveau roman d’Ali Smith s’intéresse aux implosions dans la cellule familiale. Comment faire cohabiter les individus, pour maintenir un clan uni? Mais vous vous doutez bien, il s’agit ici d’Ali Smith, une fois dans « Été » vous plongerez dans un univers assez unique dans la littérature anglo-saxonne, tant par son style que par sa sensibilité.
Fille d’ouvriers, Ali Smith est d’origine écossaise. Durant ses études, elle se lança dans un doctorat sur le modernisme américain et irlandais, mais qu’elle ne terminera pas, devenant par la suite professeur de littérature et enfin journaliste. Mais Ali Smith, depuis Cambrige et son doctorat, s’était lancée dans l’écriture créative, en commençant avec des pièces de théâtres, pour petit à petit adopter le format de la nouvelle. C’est avec son premier recueil « Free love, and other stories », qu’elle se fit connaître et remporta un certain nombre de prix. Il faudra attendre 2003 en France, pour la découvrir avec « Hôtel univers » ( Éd. L’Olivier).
Été est la troisième volet de sa série lancée en 2019 avec Automne et en 2021 avec Hiver.
Nous découvrons la jeune Sarah Greenlaw, 16 ans, vivant avec son petit frère Robert à Brighton. Les parents sont fraîchement séparés, mais vive dans des maison jumelées. Le père ayant refait sa vie avec une nouvelle femme, tandis que leur mère non. Sarah est une jeune militante, pleine de conviction et d’engagement, concentrant son énergie à lutter contre le rechauffement climatique, tandis que Robert, est l’opposé, un jeune paumé, ayant laissé les réseaux sociaux et les sphères complotistes et masculinistes s’emparer de son cerveau.
Ce qui commença comme une blague d’un frère envers sa sœur, va provoquer la rencontre de Charlotte et Arthur, un jeune couple en déplacement, et finalement un voyage à cinq ( Arthur, Charlotte, Sarah, Robert et leur mère) à la rencontre d’un certain Donal Gluck, un ami de la défunte mère d’Athur, qui fut un temps enfermé, durant la seconde guerre mondiale, à cause de ses origines allemandes.
Ali Smith, au travers d’ Été, comme précédemment durant Hiver, s’intéresse avant tout à la mécanique sociale d’une famille, comment cette dernière évolue et fonctionne en prenant compte des individus. Ainsi, ici, au travers de la famille de Sarah et Robert, nous observons ce côté usé par le Covid, une mère de famille souvent débordée, mais tentant de garder la tête hors de l’eau, des enfants s’ancrant dans des enjeux de sociétés différents, et cherchant au travers à se construire une identité forte et propre. Et ce tropisme donne lieu à des échanges et dialogues savoureux, par ce qui se dit et se joue en arrière-plan.
Car Ali Smith, c’est avant tout et surtout un style, une plume. Son écriture est dynamique, sans être nerveuse, drôle et acerbe, avec une petite touche de dérision remplie de finesse. Ainsi, par son style et sa maîtrise, l’autrice déploie sous nos yeux un univers bigarré, souvent drôle et loufoque. Mais, pour autant, elle n’en oublie pas l’empathie, car la grande force de l’autrice est de savoir de nous parler d’humains et de trajectoire, et de moments importants dans une vie.
En bref, Été est la promesse de tout ce que vous vous attendez à lire dans un bon roman, une alternance entre drôlerie et tendresse, un livre qui apporte un regard sur notre époque, et qui nous pousse au travers de ce dernier à nous questionner sur notre rapport au monde. Été, sans révolutionner, le genre, est un excellent roman et confirme tout le talent d’Ali Smith.
Éditions Grasset,
Trad. Laetitia Devaux,
368 pages,
Ted.
