Anna Kavan est une énigme dans le monde à littérature. Une autrice qui marqua certains aficionados, mais ne connut jamais le succès qu’elle méritait. Ainsi, quand est édité puis réédité par les éditions Cambourakis son énigmatique petit livre «Neige», peu de lecteurs ont réellement connaissance de l’autrice comme de l’œuvre.
Et pourtant, Anna Kavan est l’autrice d’une œuvre assez riche, que ce soit sous pseudonyme comme en nom propre. Six romans sous le pseudonyme d’Helen Ferguson, dont le fameux « Laissez-moi ma solitude » ( Presse de la renaisance, 10/18). Puis sous son nom elle écrivit onze autres romans et une demi-douzaine de nouvelles dont celui qui nous intéresse aujourd’hui.
Empruntant énormément au surréalisme et à l’interprétation des rêves, Anna Kavan possède un style unique que l’on pourrait rapprocher au réalisme magique, mais, dans le cas de Neige, reste avant tout une littérature de l’imaginaire foisonnante et obsessionnel, influencé par une vie difficile entre pertes de proches et d’enfants, maladie douloureuse, dépression chronique et tentative de suicide. Sa vie de fuite, par nécessité de survie, se transpose ici dans son œuvre magistralement mis en poésie.
Neige est le roman fantasmagorique le plus abouti que j’ai pu lire. Partant d’une histoire d’amour conflictuelle, d’un triangle amoureux impossible, d’une guerre omniprésente et d’une ère glaciaire en marche et visiblement déclenchée par l’Homme, ce roman est une noyade dans les obsessions du personnage principal. L’alternance entre réalité et parties fantasmées sans distinction et sans repère plonge le lecteur dans un roman ultra immersif.
« L’œuvre ultime du genre humain serait non pas l’autodestruction, mais la destruction de toute vie, la transformation d’un monde vivant en planète morte »
Ce petit bijou écrit Par Anna Kavan en 1967, en pleine guerre froide, par une auteure héroïnomane est une expérience littéraire, un livre obsédant auquel le lecteur ne peut pas rester indifférent. La justesse des mots, le travail d’ambiance, le rythme et la traduction minutieuse, tout est bon dans ce roman qui est à classer dans l’imaginaire et la science-fiction haut de gamme, tant l’autrice est généreuse par son propos comme son écriture. Une première version était sortie en 75, mais depuis pas mal de temps introuvable sur le marché de l’occasion. Les Editions Cambourakis ont eu le bon goût de rééditer cet ovni littéraire et de le soutenir avec beaucoup de conviction depuis.
Il est difficile d’en parler sans en dévoiler plus et vous gâcher un livre qui se révèle sur la longueur mais vous absorbe dès la première page donc je terminerai en citant ce qu’a très justement dit Doris Lessing à propos de « Neige » : « Il n’y a rien de comparable. »
175 pages
Editions Cambourakis
Trad. Ronald Blunden
Ted