“Arpenter l’univers Hawthornien, c’est explorer un monde labyrinthique dont le lecteur, selon Jean Normand, « Constate qu’il se sent entraîné par une dialectique de mondes clés qui s’entr’ouvrent, se referment, communiquent comme des chambres aux portes secrètes ou des lacs raccordés par des rivières souterraines”.
La rencontre entre Nathaniel Hawthorne et Antoine Traisnel est presque un accident. « Au départ, je voulais travailler sur la manière dont la littérature américaine aborde des problèmes esthétiques comme le beau, le kitsch, l’expression du sentiment artistique, ou la dialectique lisible/visible. The Marble Faun m’était apparu d’autant plus exemplaire pour traiter de ces questions que Hawthorne l’avait écrit à la fin de son séjour en Italie, au pays de l’art éternel. Je trouvais dans son ouvrage un questionnement esthétique très fin (et très drôle). Outre les critiques sévères à l’encontre de l’académisme qui prévalait à l’époque et de l’émergence du tourisme artistique prisé par les classes bourgeoises, j’y trouvais un engouement surprenant pour les contrefaçons, les copies, les fausses ruines, etc. Et la romance elle-même semblait se laisser séduire et même contaminer par cet art du faux, apparaissant délibérément décousue, mal ficelée, hétérodoxe–allégorique. A partir de là, j’ai commencé à lire Hawthorne plus sérieusement, et ce qui avait commencé comme une rencontre contingente a pris avec le temps le caractère d’une enquête nécessaire. Le paradigme de l’allégorie, qui pour moi éclaire toute l’approche de Hawthorne, me vient en premier lieu de cette dernière romance. »
De cette enquête naissante va découler une somme de connaissances et une pertinence dans l’analyse incroyable. Antoine Traisnel s’emploie à situer l’auteur et ses œuvres dans son contexte historique, n’hésitant pas à invoquer les ancêtres de Nathaniel Hawthorne pour mettre en lumière certains textes. Tout en démontrant pourquoi cet écrivain à contribué grandement à donner une identité propre à la « littérature américaine », il bénéficiait d’une aura telle qu’il était même encensé par Herman Melville de son vivant, au-delà du mythe, cet essai révèle tout le génie et le talent de Nathaniel Hawthorne.
De Nathaniel Hawthorne à M. De l’Aubépine il n’y a qu’un miroir.
L’auteur a su à travers son double littéraire, se créer une dualité atypique et depuis devenu iconique. Un double critique, osant une forme d’autocritique par ce biais, mais également s’amusant de la critique à travers ce dernier. Avec une bibliographie fictive et outrageusement conséquente, M. De l’Aubépine s’impose comme la réponse intelligente et souvent pertinente à son monde et ses œuvres.
« Traiter de l’allégorie chez Hawthorne, c’est postuler que l’ensemble de son œuvre – que le nom de l’auteur invoque et subsume – est foncièrement critique ; c’est envisager le corpus hawthornien dans le contexte de sa production, mais aussi de sa réception ; c’est sciement invoquer la figure de l’Auteur pour étudier en retour le traitement que lui réserve la critique. Le cas de Hawthorne est exemplaire – c’est-à-dire à la fois singulier et représentatif – en ceci que ces écrits anticipent, mettent en scène et remettent en question leur réception critique. »
La force de l’essai d’Antoine Traisnel réside dans l’analyse complète de quatre œuvres de référence de Nathaniel Hawthorne, traçant au passage le portrait d’un auteur complexe et aussi intéressant. « La lettre écarlate » et son A énigmatique qui symbolise finalement tout sauf la trahison, une analyse passionnante qui donne à relire le roman avec un nouveau regard ; La maison aux sept pignons et son aspect historique qui ne rencontrera pas le succès escompté lors de sa publication et fut boudé à cause de ses clin d’œil au roman gothique en vogue à l’époque. Valjoie et son manque de moralité, qui comme le souligne Brenda Wineapple reçut une réception hostile lors de sa publication. Pour finir par finalement, l’œuvre très certainement la plus intéressante et la plus révélatrice de la personnalité de l’auteur : La faune de marbre, avec ce regard unique sur l’Europe, ses ruines et son art.
« The Marble Faun fait le constat d’une perte sans compensation qui remet en question la légitimité de l’art dans son ensemble. »
En guise de conclusion un magnifique extrait des écrits de l’Aubépine à savoir « La fille de Rappaccini » qui fera, à n’en pas douter, apprécier toute la grandeur et la subtilité allégorique de Nathaniel Hawthorne et devrait vous révéler ce dernier sous un angle totalement inédit, encore plus passionnant et fascinant ! Hawthorne d’Antoine Traisnel est une totale réussite.
Aux Forges de Vulcain,
510 pages,
Ted.