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Bâtir aussi

Atelier de l’Antémonde – Bâtir aussi

“Nous n’avons pas peur des ruines.
Nous sommes capables de bâtir aussi.
C’est nous les travailleusEs

Qui avons construit les villes de partout.
Nous allons recevoir le mone en héritage.
La bourgeoisie peut bien se faire sauter.
Nous portons un monde nouveau dans nos coeurs.”

Graff aperçu au parc Archaos,

Commune libre de la Guillotière, 2022

L’utopie est éthymologiquement le lieu qui n’existe pas.
Dans la pratique, en littérature, on trouve plus d’utopie stagnante se transformant en système vicié que de société réussie. Le pari de “Bâtir aussi” était de construire une utopie proche de nous, vacillante et incomplète, mais réalisable, et cela débouche sur un livre plein d’espoir.

Nous sommes en 2021. Dix ans après les révoltes qui précipitèrent le système que nous connaissions. Des communes libres prennent leurs marques et réinventent le quotidien et les routines collectives, pour batir un monde qui s’espère sans dominations.

Une des particularités de “Batir aussi” est qu’au delà d’être un recueil de science-fiction, c’est un livre basé sur des questions pratiques. Les auteurices l’ont concu en partant du quotidien pour élargir vers le narratif. Se poser des questions et réinventer notre façon de vivre au jour le jour. Comment produire de l’électricité, comment se déplacer de communes libres en communes libres ? Que faire des armes laissées par la révolution, et comment organiser un partage des savoirs de l’époque révolue et de celle actuelle. C’est à partir de ces questionnements que furent construits ces petit bouts de vie, collectifs ou individuelles.
A Saint Etienne, on construit des laveries collectives, à Lyon on rebranche les radios, et à Genève, ce sont de gigantesques cantines qui sont mises en places.

Au fur et à mesure que je contrôle les différents tuyaux pour voir duquel provient la fuite, je ressent cette douce joie d’être à ma place. J’ai toujours aimé les ambiances que les laveries collectives dégagent. D’une maison à l’autre, elles sont tellement différentes : Chez nous à Villeurbanne, la laverie est en sous-sol et sert régulièrement aux réunions “discrètes”.En revanche, dans l’immeuble d’a coté leur salle adjacente est suffisament vaste pour accuillir une bibliothèque avec un super rayon science-fiction, des cours d’italien trois soirs par semaine, la permanence sur les discriminations racistes le vendredi après-midi et un atelier de réparation vélo tout les matins.

Avant d’être écrivain·e, l’atelier de l’antémonde est d’abord formé par des militant·es. Dans leur futur, chacun·e est attentifs aux besoins de l’autre, la vie est en grande partie collective et l’entraide et le partage sont une habitude bien présente.
Mais pour autant, le recueil ne tombe pas dans la facilité d’un monde parfait. La révolution ne fut pas sans heurt, loin de là, les blessures sont encore vives et les interrogations nombreuses. Tout est à réinventer, et c’est avec un regard frais, joyeux et non oppressif que les ateliers de l’Antémonde s’en donne à coeur joie.
Emergent aussi de ci de là des voix discordantes, des avis contraires, des nostalgiques de l’Antémonde. Des gens avec qui il faut compter, ou du moins qu’il faut entendre parfois.

Il est très inhabituel de voir un recueil de nouvelles, qui plus est de science-fiction, dans l’excellente collection “Sorcière”, habituellement tournée vers les théories féministes. Mais c’est d’autant plus pertinent que ce livre, écrit par des militant·e·s féministes, est une sorte de mise en pratique de ces idées. Une manière inhabituelle et rafraichissante de parler des féminismes et des pensée libertaires.
Libertaire, ce livre l’est profondément. Par sa volonté émancipatrice, ses réflexions autour de l’autogestion, sa vision révolutionnaire de l’autonomie, il emprunte autant à l’imaginaire anarchiste qu’à celui de la science-fiction. Le recueil s’ouvre par exemple sur un tag d’une citation de Durutti, réactualisé en 2022. La pensée générale s’inspire de Bookchin et son municipalisme libertaire, ou d’Ursula le Guin. Des hommages aux milieux squats pullulent jusque sur la couverture.

Arina et Lydie se mettent à décrire les mères et les grands-mères qui cuisinaient chaque soir de lutte pour assurer le lendemain. Elles se levaient les premières pour tenir gratuitement leur ancien job de ménage à l’hopital, avant de revenir ouvrirl’appartement pour les copines qui campaient à l’aéroport et avaient besoin d’une douche. Je sens, à la passion de leur voix, qu’elles ont une admiration sans bornes pour ces femmes de la révolution, celles qui avaient oeuvré si fort aux blocages, sans jamais oublier le reste : Elles avaient porté leurs familles, leurs enfants, leurs parents à bout de bras et les sacs et les allers-retours en autobus express à Prévessin ou à Ferney et le linge à laver et la voiture qui tombait en panne et la pension de retraite qui ne versait plus rien et encore “Prends une galette ma chérie : j’en ai fait pour tout le monde, faut les prendre, je ne peux pas en manger moi de toute façon.”

Bâtir aussi s’appuie sur une vision libertaire et anti-autoritaire pour la dépasser, ancrer un futur dans le réel et développer un imaginaire de lutte, de rêves et d’idéaux révolutionnaires.
Militant·es, les auteurices le sont aussi dans leur approche de ce livre et de sa fabrication. Ielles proposent un site participatif sur lequel pourront être mis en ligne des textes de personnes souhaitant agrandir leur univers, ou éclairer des zones d’ombres en emmenant de nouveaux personnages et lieu. De même, ielles ont crée un atelier labo-fiction qui immerge pendant quelques heures les participant·e·s dans l’univers de l’Haraka en leur permettant de développer leurs propres visions et scénarios. Un univers participatif, ainsi qu’un livre mis à disposition en PDF gratuitement sur le site des éditions Cambourakis.

La science-fiction pour penser le futur de manière positive et révolutionnaire, telle est la proposition faite par les Ateliers de l’Antémonde.

 

Bâtir aussiBâtir aussi
Les ateliers de l’Antémonde
Editions Cambourakis
Collections Sorcières
256 p.

À propos Paco

Chroniqueur

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Un commentaire

  1. Je vais courir acheter “Bâtir aussi” qui me fera imaginer l’année 2029, après la révolution de 2019, qui pourra avoir lieu si l’article que je viens d’écrire trouve un diffuseur. Son intitulé “Homme, souviens toi que tu es fils de liberté”. Cinq pages qui résument un autre texte intitulé “La promesse de la source” (28 pages).

    Fils de liberté, source, c’est dire qu’à une puissance créatrice est substitué pour origine une puissance libératrice.

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