Aurélie Olivier nous offre une parole inédite sur son propre vécu dans Mon corps de ferme paru aux Éditions du commun. On la connaissait en tant que médiatrice littéraire, mais pas encore en tant que poétesse. Avec son association Littérature etc, elle propose une approche féministe et militante de la littérature, notamment en proposant à des autrices de présenter des écrivaines du matrimoine littéraire. En 2021, elle dirige le recueil Lettres aux jeunes poétesses, qui déclenche une vraie prise de conscience des enjeux féministes au sein du milieu de la poésie contemporaine francophone. Son premier livre en tant que poétesse est donc très attendue, car sa parole littéraire est aussi importante que son travail de médiatrice.
Aurélie Olivier a grandi dans une ferme en Bretagne. Cela pourrait être atypique, teinté d’un exotisme régionaliste entre rêverie maritime et fest-noz. Mais la Bretagne n’est pas seulement ce territoire idéalisé par le tourisme, il est surtout une terre sacrifiée sur l’autel du productivisme agricole. L’autrice a subi tous les méfaits de ce capitalisme rural et en est tombée malade. Mon corps de ferme raconte cela avec une grande force, démontrant l’oppression croisé du patriarcat et de l’économie agricole. Au long de son histoire, toutes les forces ont été réunies pour faire croire en une Bretagne forte, capable de redresser son économie par l’exploitation de son terroir.
Mais dorénavant, cette terre et les corps qui y ont vécu sont meurtris par la pollution inhérente à l’agriculture intensive. On continue maintenant de compter les morts et les blessé·e·s, entre pression sociale et maltraitance physique. Aurélie Olivier dévoile avec une énergie salvatrice ce système malade. Pourtant, l’image d’Épinal de la ruralité bretonne continue à masquer ces problèmes graves. On y privilégie le dynamisme économique au détriment de la préservation écologique et humaine. Ce territoire, qui nourrit la France, n’a pas seulement le goût de beurre salé. Aurélie Olivier en révèle sa toxicité avec une écriture combative et mordante.
Mon corps de ferme démontre les blessures avec une énergie tourbillonnante, se jouant de faire du propre et du beau pour mieux attaquer les racines du mal. Le livre d’Aurélie Olivier ne se lit pas pour s’attendrir. C’est un coup-de-poing que l’on attrape au vol pour mieux le comprendre. On réalise alors que l’imagerie bretonne ne peut plus continuer à cacher l’oppression économique, écologique et sociale. Aurélie Olivier use de la poésie comme d’un matériau brut pour réveiller les consciences sur la façon dont l’humanité se nourrit en ne cessant de tuer et de maltraiter les corps et la terre.
70p
Adrien
Image du bandeau : © Nathan Cima / Unsplash