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Barbara Frandino Tu l'as bien mérité couverture

Barbara Frandino – Tu l’as bien mérité

Un beau jour Claudia retrouve Antonio, son mari, inconscient sur le sol de leur jardin milanais. Gagnée par une tétanie affolée (ou rattrapée par une prise de conscience désenchantée) elle tarde à appeler les secours malgré la gravité flagrante de la situation. Comme lui fait remarquer le médecin, une meilleure réactivité aurait laissé moins de séquelles au célèbre présentateur télé, maintenant alité dans une chambre froide et aseptisée. Mais Claudia s’en moque. Après tout, cet époux qui lui a promis fidélité et amour éternel en lui passant la bague au doigts va devenir le père de l’enfant d’une autre. Alors que la moitié de son cœur fonctionne ou non lui importe guère, puisqu’il ne battait déjà plus pour elle.

À l’image du grenadier malade dont Antonio s’occupait avant sa chute, son mariage avec Claudia est rongé de l’intérieur. Sous l’écorce des faux-semblants et l’habitude des gestes se cachent des sentiments bouillonnants, acides. La larve ravage le bois tendre, le vers est dans le fruit, tandis que la graine de l’infidélité germe dans un ventre extra-conjugal. Alors Claudia se cambre et fout le bordel, elle aussi. À sa manière, elle se libère.

« Au réveil, j’ouvre et referme les placards de la cuisine sans trouver ce que je cherche. Je demande à ma mère si elle a changé les choses de place, elle me répond que pas du tout. Hier soir, j’ai eu du mal à trouver l’interrupteur de ma chambre.

– C’est toi qui ne te souviens pas.


Sur l’appui de la fenêtre, il y a un pied de basilic. Effectivement, il a toujours été là. Rien n’a bougé. Pas même ma mère, assise à la table du petit déjeuner, immobile dans son passé éternel. Avant, je pouvais me déplacer dans cet appartement les yeux fermés. Maintenant, je me cogne dans les coins, les yeux ouverts.
 »

Avec Tu l’as bien mérité, Barbara Frandino met de côté la littérature jeunesse pour explorer le drame intime d’un couple au bord de la rupture. Articulé en une suite de chapitres brefs qui nous empoignent à bras le corps, ce magnifique premier roman évoque l’éclosion à la fois irremplaçable qu’à jamais perdue d’un amour aujourd’hui bien décati. Lié·es par le mariage, le ménage fait désormais le bilan de ce qui les unit, mais surtout de que de ce qui les déchire, interrogeant leur liberté remise en question. La liberté d’aller chercher le bonheur ailleurs, de se reconnecter à soi, de laisser passer quelques précieuses minutes… De tronçonner jusqu’aux racines un symbole dorénavant déchu. Passion et rejet entrent alors en écho. 

Par le biais de Claudia, personnage fort et indépendant, Barbara Frandino esquisse une guerre d’ego où l’amoindrissement des sentiments est encore subjugué par des éclats succincts, des autrefois regrettés. Passée l’onde de choc, le pourrissement s’installe insidieusement sous forme de rancœur accompagnée d’une tristesse agacée. La trahison laissera-t-elle place au pardon ou se noiera-t-elle sous les petites vengeances du quotidien ? L’apparition de bras inconnus, de relations introspectives, est comme autant de branches sur lesquelles s’appuyer pour dessiner une nouvelle voie. 

Tu l’as bien mérité brille par l’intensité des émotions, le tourbillon des pensées d’une protagoniste à un moment charnière de son existence. Une lecture en tension continue, impossible à lâcher avant d’en avoir dévoré la dernière ligne.

« Aneeta dit que je ne sais pas être dans le présent, que je me laisse distraire par des détails insignifiants pour éviter d’accueillir le présent. Et puis elle dit que je passe mon temps à regretter ou à espérer. Qu’est-ce qui pourrait me plaire dans le présent ? lui ai-je demandé. La vie, a-t-elle répondu. »

Les Argonautes éditeurs Barbara Frandino Tu l'as bien mérité
180 pages
Traduit de l’italien par Laura Brignon
Caroline

À propos Caroline

Chroniqueuse

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