Entouré d’un lac aux eaux profondes, le manoir d’Harrowby Hall possède tout du luxe qu’on attend d’une telle demeure : lustres aux pampilles étincelantes, mobilier en bois massifs soigneusement cirés et feux de cheminée toujours bien nourris. À cela s’ajoute une particularité aussi unique qu’incommode, celle d’un fantôme glacé et liquide venant immanquablement hanter la meilleure des chambres de la résidence pendant une heure entière à chaque réveillon. Celles et ceux qui ont le malheur de louer cette pièce pour Noël sont retrouvé·es trempé·es, grelottant·es et épouvanté·es le lendemain.
Cette malédiction qui frappe sa famille depuis plusieurs générations n’enchante pas vraiment Sir Oglethorpe, qui est bien décidé à percer le mystère de cet humide revenant. S’il finit par en découvrir l’origine, c’est l’un de ses descendants qui va élaborer des stratagèmes de plus en plus perfectionnés et astucieux, afin de mettre fin à ces visites impromptues accompagnées de dégâts des eaux et de pneumonies pouvant être fatales. Parfois, un simple caprice d’enfant trop gâté·e peut entraîner de bien sombres conséquences…
Tirée d’une nouvelle écrite par le dramaturge anglais John Kendrick Bangs, cette adaptation du Fantôme de l’eau d’Harrowby Hall possède une ambiance frissonnante qui glace le sang. Si le ton est plutôt léger et même teinté d’humour et d’ironie, le traitement graphique de Barbara Yelin retranscrit à merveille une atmosphère humide où le froid s’insinue jusque dans les os : à chaque page, on sent l’odeur minérale des lacs endormis et on entend les grincements du vieux manoir. La souplesse et la vivacité du trait accompagnées par d’une colorimétrie froide, qui joue avec des nuances de gris charbonneuses rehaussées d’un bleu profond, crée un écho astucieux avec la source de la malédiction, tout en évoquant la masse mouvante et glaçante de l’entité liquide.
S’inscrivant dans la lignée des contes de Noël victoriens, Le fantôme de l’eau d’Harrowby Hall en détient l’élégance un brin caustique, magnifiquement mise en image par les illustrations ondoyantes de Barbara Yelin, et s’achevant sur une fin ouverte qui laisse envisager que tout n’est pas fini…
Les aventuriers de l’étrange
60 pages
Caroline