J’avais beaucoup entendu parler du manga avant de le lire. Je le dis avant parce que c’est plutôt rare. Je lis souvent sur des bons conseils ou des recommandations de libraire, mais celui-ci avait réussi à percer et à parvenir à mes oreilles avant sa sortie. Au premier contact, la jaquette annonçant un livre “proche de la perfection” me refroidit quasi-instantanément, enfin juste le temps de voir le nom de l’homme qui a prononcé ces mots.
Jiro Taniguchi, mangaka culte s’il en est, lui qui est très réservé, presque discret, a laissé publier en son nom du bien sur ce manga! C’est avec une certaine fébrilité que je me suis lancé dans cette oeuvre, plein d’espérance et redoutant de trop espérer. Et je n’ai pas été déçu, loin de là!
Goggles est une oeuvre atypique. Recueil de six nouvelles, le manga est construit de façon strictement chronologique, ce qui place certaines histoires après leur suite, séparées par une étrange nouvelle de deux pages (la seule vraiment courte). Entre un jeune chômeur voulant absolument présenter le Dieu de la Misère à son ancien patron, une jeune fille recueillie par un proche de sa famille qui ne pose plus les lunettes de moto de son grand-père décédé et une jeune employée de banque chargée d’aider un vieil employé à retrouver les meilleurs Tonkatsu du Japon, aucun lien me direz-vous. Eh bien si!
Et ce lien, c’est l’univers de Toyoda. Un univers drôle, parfois vraiment, parfois juste un léger sourire. Un univers de liens, de fragilités et de failles. A l’arrivée, on ressort touché plus profondément qu’on ne voudrait le dire. Toyoda met en exergue nos besoins et nos doutes, et nous place le tout sous nos yeux, sans forcément résoudre la situation de base. La destination n’a pas d’importance chez Toyoda, c’est le périple accompli qui l’intéresse, le voyage que font ses personnages, sans forcément se déplacer pour autant (la première nouvelle par exemple).
Le plus surprenant, c’est qu’il est de ce fait très difficile de placer Toyoda dans une des cases du manga traditionnel. Ce n’est pas un Shonen (trop peu d’actions, certains héros beaucoup trop vieux), pas un Shojo (pas d’histoires d’amour). Il ne resterait plus que le Seinen (manga plus orienté adulte) mais ceux-ci présentent habituellement souvent des scènes de violence ou des histoires plus “tordues”. Il va donc rejoindre la case “auteur-pour-adulte-mais-qui-fait-des-mangas-pas-trop-méchants. Il y rejoint Jiro Taniguchi et quelques autres auteurs quasi-contemplatifs.
Si vous cherchez de l’action et du rebondissement, passez votre chemin, rien de tout ceci ne se trouve en cette oeuvre. Mais si vous voulez prendre votre temps, si vous voulez profiter d’un manga au rythme tranquille, d’un manga qui ne vous prendra pas pour un enfant mais qui vous soustraira un instant à tous vos soucis d’adulte, alors n’hésitez pas!
Éditions Ki-Oon (collection Latitudes)
236 pages
Jérémy