« Le docteur Jivago » est, au côté des Œuvres de Dostoïevski, Gogol ou encore Tolstoï (pour ne citer qu’eux), un monument de la littérature Russe. Mieux que cela, Boris Pasternak en écrivant ce texte se permet, au travers de la forme du roman d’apprentissage, une fresque romanesque aussi ambitieuse qu’ un Dickens, un Dostoïevski ou un Tolstoï. Une pretention qui rempli que trop rarement son ambition, et que l’auteur va réussir à la perfection.
Gallimard, a confié le texte de Pasternak à la traductrice Hélène Henry afin de proposer une nouvelle traduction. Une modernisation. Mais aussi affronter une traduction déjà existante et qui fut, en son temps, fut nettement salué par l’auteur lui-même qu’il ira qualifier dans ces termes : « Leur traduction est un exploit de goût et d’ingéniosité ardente, elle est inimitable, elle est céleste, géniale ».
Ainsi, du propre avis d’Hélène Henry, se lancer dans la nouvelle traduction, n’est pas simple à aborder, mais c’est aussi se confronter au « Puzzle Verbal » qu’est le Docteur Jivago. Une œuvre où l’auteur dilue dans la langue, des idiomes improbables. Des langages propres aux locuteurs qui vont croiser le chemin du Docteur.
« …Une parlure à laquelle il est difficile d’assigner une origine locale, sociale ou ethnique, et qui désigne l’inventivité des simples gens […] en même temps que la distance qui les sépare des citadins éduqués. »
Un enjeu conséquent que la traductrice s’employa à relever avec brio.
Car « Le Docteur Jivago » n’est pas une œuvre standard. Il s’agit de L’OEUVRE de son auteur. Dès 1945, dans une correspondance avec Olga Freidenberg, nous découvrons toute l’ambition de l’auteur : « J’ai envie, pour la première fois de ma vie, d’écrire quelque chose de vrai, et pour de bon. […] Dans la vie, en ce moment, il n’y a plus aucune hernie, aucune blessure. Je suis devenu out d’un coup terriblement libre. Autour de moi, tout est terriblement mien. »
Un texte qu’il mettra presque dix ans à développer, alternant entre traductions (pour vivre) et rédaction de son roman. Mais une œuvre qui ne verra pas le jour avant 1988 en Russie. Son roman, qui en 1956, ne sera pas considéré comme « pro soviétique » et donc par conséquent considéré comme une critique délibéré de la révolution et du partie, et ne pouvant s’inscrire dans la patrimoine culturel de l’ URSS.
Bien qu’en son pays, son livre ne sortira pas, du moins de suite, ailleurs, en Italie tout d’abord, “Le Docteur Jivago” connu une première publication en 1957, suivi par une traduction à huit mains anonymes en France en 1958. Puis le reste n’est que déjà connu, le succès international du roman, le film de David Lean, avec un Omar Sharif bouleversant en Iouri Jivago, etc…
Le Docteur Jivago est dans sa forme un roman d’apprentissage, ainsi, dans une des plus belles scènes d’ouverture de l’histoire de la littérature, nous rencontrons un petit garçon à l’enterrement de sa mère. Nous sommes à l’orée du XXe siècle, et c’est ainsi que démarre l’aventure de Iouri qui va traverser, plutôt qui va être traversé par l’Histoire . De son enfance à la fin de sa vie, nous partageons avec lui son parcours, sa jeunesse, ses années à l’armée, ses amours, sa fuite, les paysages russes grandioses et son regard sur la révolution.
« Romanesque » est un qualificatif totalement en adéquation avec « Le Docteur Jivago », tant l’œuvre est grandiose dans tous les sens du terme. Mais qui au-delà du fil narratif, se rapproche de Tolstoï dans cette manière d’insuffler des idées, des pensées et un regard sur son époque. Ainsi, dans des dialogues d’une grande subtilité et d’une grande finesse qui parcourt le roman, l’auteur nous offre un regard, une vision et une philosophie sur le vingtième siècle et sur l’homme dans la tourmente de l’Histoire.
Lire « Le doteur Jivago », c’est accepter d’être embarqué, c’est un voyage dans l’espace et dans le temps. C’est, au-delà de toute comparaison, une œuvre monde qui propose une vision unique et passionnée de l’URSS du début vingtième siècle.
Ainsi, en proposant une nouvelle traduction, et grâce au travail extraordinaire d’Hélène Henry, les éditions Gallimard permettent de remettre en avant un texte hors norme qui dans sa modestie et dans son élégance, propose peut-être, certainement, sûrement, LE grand roman Russe du vingtième siècle.
Éditions Gallimard,
Trad. Hélène Henry,
700 pages,
Ted.