Dans un quartier tranquille de Montréal, Odette mène une existence plutôt douce, passant ses journées à la librairie où elle travaille et son temps libre en compagnie de son meilleur ami ou dans le cocon réconfortant de son appartement. Tout semble parfait, s’il n’y avait pas cette méduse qui a élu domicile dans son œil.
Bon gré mal gré, la jeune femme continue à vivre avec cette nouvelle compagnie non sollicitée, profitant des petits moments de joie pétillants et surtout d’une merveilleuse rencontre qui va lui faire chavirer le cœur.
Ponctué de gestes simples du quotidien, La Méduse nous plonge dans l’intimité d’Odette, sa relation naissante avec Naina, leur amour qui les porte et les illumine. Mais l’étrange trouble oculaire dont elle souffre semble tout d’abord bénin, elle s’étend peu à peu et commence à l’enfermer dans le silence. D’une à deux, puis de trois à quatre, les méduses ne cessent de se multiplier, et avec elles s’ancrent l’angoisse de l’isolement et la peur de devenir aveugle.
Avec sensibilité et surtout sans voyeurisme ni pathos, Boum déploie une résille de thématiques aussi bien solaires que douloureuses. On perçoit les difficultés qu’Odette et Naina rencontrent avec leur famille respective au détour d’une brève discussion, d’une scène qui pourrait sembler presque anodine, mais qui réouvre de profondes blessures. Ainsi, le poids d’une mère trop envahissante et l’ombre d’un père toxique les rongent par à coups.
Si l’une des grandes forces de cette BD réside dans la justesse avec laquelle l’autrice aborde des situations à la fois complexes et tristement communes, son trait doux et rond séduit quant à lui du premier coup d’œil. En quelques lignes, Boum nous lie à ses personnages tout en nous en transmettant le caractère, les inclinaisons sensibles. Malgré la sobriété de l’emploi du noir et blanc, La Méduse possède des plans riches et diversifiés, des décors et des outfits soigneusement travaillés et surtout un panel d’émotions colorées et vibrantes.
Ce récit intimiste sonne d’autant plus juste que l’autrice est elle-même atteinte d’un trouble oculaire, qu’elle a connu cette cécité croissante cette obscurité qui dévore la lumière et efface les visages chéris. Si la dégénérescence dont souffre Odette est traitée de manière allégorique et poétique, elle n’en est pas moins terrible et va la pousser à faire preuve de résilience. Forcée d’apprendre à vivre avec la maladie, à l’accepter, elle va aussi devoir surmonter sa peur de l’abandon et accueillir l’aide et l’amour de ses proches. En faisant le deuil de certaines habitudes qui semblaient acquises, immuables, Odette va alors en forger de nouvelles en compagnie de Naina.
Bande dessinée gorgée d’émotions où l’on entre en osmose avec ce qui ébranle et traverse l’héroïne, La Méduse bouleverse par ses vagues enchevêtrées de sentiments où se mêlent tristesse et beauté, nuit et éclat.
Éditions Pow Pow
228 pages
Caroline