Brecht Evens est un auteur qui réunit tout ce que j’aime: une palette de couleurs pétantes et complémentaires, un trait particulier et reconnaissable au premier coup d’oeil et des scénarios étranges et dérangeants cachés sous de faux airs de quotidien et de réel. Le tout mis sous forme de bande-dessinée, que demander de plus?
Au salon d’Angoulême, on le surnomme le “petit génie”, et ce surnom est plus que mérité: fortement influencé par de nombreux mouvements artistiques picturaux tels que le cubisme et l’expressionnisme ainsi que par des artistes comme Matisse et Delaunay, il crée de véritables tableaux scénarisés.
Petite visite guidée dans l’univers de ce jeune auteur belge à suivre de prés, à la fois audacieux et inclassable.
Dans Les Amateurs, un collectifs d’artistes ayant pour leader Pieterjean, crée des oeuvres pour la Biennale d’une petite ville flamande. Tous les gens présents comptent sur le protagoniste principal, tous sauf lui-même, qui vacille dans l’incertitude de son quotidien.
Chaque personnage possède sa personnalité, sa colorimétrie propre et son lot d’hésitations qu’ils tentent d’exprimer ou de camoufler dans leur art. Ces petits hommes un peu maladroits tendent vers le même but au final, la réalisation de quelque chose de monumental qui marquera les esprits, l’Histoire et qui leur permettra de laisser une trace derrière eux.
Quête utopique assez compliquée quand le guide spirituel même est perdu dans les questionnements de son existence. Bien caché derrière sa façade d’artiste grandiloquent à l’assurance nonchalante, Pieterjean galère autant que les autres, voir même plus, surtout lorsqu’une petite jeunette tout à son avantage vient mettre son grain de sel. Crise de la quarantaine, remise en question, folie douce, autant d’ingrédients savamment relevés par l’auteur grâce à ses styles narratif et artistique plein de génie.
Panthère, petit dernier de Brecht Evens, met en scène un nombre plus restreint de personnages, sous forme de huis clos. Christine vient de perdre Patchouli, son chat chéri, mais découvre que le tiroir de sa commode est un passage par lequel se faufile Panthère. Venu d’un pays exotique, Panthésia, Octave Abracadolphus Pantherius de son vrai nom devient très vite le confident intime de la jeune fille, lui contant la magie de son pays et partageant ses rêves et ses secrets.
Si ce duo rappelle Calvin et Hobbes, là s’arrête les similitudes. Très vite le dandy charmeur provoque un sentiment de malaise, une aura malsaine se dégage de ses mots mielleux susurrés aux oreilles candides de Christine, bien à l’abri du regard et de la protection des adultes.
Perversion et sensualité s’approche perfidement de l’innocence, démystifiant cette période sacrée qu’est l’enfance. Panthère change de masque à chaque case, ondule et se transforme pour mieux piéger sa proie tout en captivant le lecteur.
Editions Actes Sud
Respectivement 224 et 126 pages
Caroline
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