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Gorokhoff Casse-Gueule

Casse-Gueule – Clarisse Gorokhoff

Deuxième roman puissant de Clarisse Gorokhoff, Casse-gueule suit l’histoire d’Ava, archétype de la  parisienne qui, une nuit, est défigurée par un inconnu. Après De la bombe en 2017 – qui parlait déjà de destruction, celle des autres et la sienne -, l’autrice passe avec brio le cap du deuxième roman. S’intéressant toujours aux zones grises de l’âme, aux réactions des êtres, elle tisse une histoire en trois actes, mais sans tragédie aucune.

Première partie : Ava vient d’être défigurée. Par qui et pourquoi, on ne sait. Ça s’est passé de nuit, dans Paris, et sur le coup, Ava ne réagit pas. Elle arpente les rues puis finit par aller à l’hôpital. Là, tout s’accélère. Sa mère, dont la plus grande fierté est la beauté d’Ava, est horrifiée par le visage tuméfiée de son enfant. Celle qu’elle a nommé d’après les actrices les plus gracieuses d’un âge d’or du cinéma. Sa fille qu’elle a enfermée dès le plus jeune âge dans un carcan d’apparences et de faux-semblants. Alors que sa mère parle chirurgien, reconstruction, oubli, Ava ne pense qu’à apprivoiser cette nouvelle vie, avec un visage cubiste. Peu importe qui et pourquoi, elle est désormais libre de sa beauté étouffante. Et rapidement Ava se libère. Tout d’abord de son compagnon Marius, pour qui l’esthétisme du beau est primordial. Puis des illusions de sa mère, même si cette dernière prend cela pour un choc post-traumatique. Ava peut enfin parler haut et fort, sans peur du qu’en dira-t-on, son visage, ou plutôt sa gueule étant un manifeste à elle seule.

J’étais belle oui, oui, mais d’une beauté qui suscite l’angoisse. Les traits fins, taillés à la serpe, de grands yeux sombres avec des éclats gris, un teint glabre mal assorti à la vie, un sourire tourmenté sans la moindre trace d’enfance… Belle à se noyer dans le néant. Je n’ai jamais pu échapper à ce que mon visage évoquait : la tragédie. C’est leur infini désespoir que les autres projetaient sur moi. Ils voyaient dans mes traits un prélude à la fin du monde.

Deuxième partie : de manifeste, il est en effet question. Si Ava n’a pas porté plainte, elle se souvient d’un nom Lazare. Et il y a ce compte instagram qui lui laisse des indices. Des gens qu’elle croise, Chen la pailletée, puis Adèle, qui comme elle, n’a plus de masque lisse. Ava se retrouve maintenant devant une vieille demeure qui semble abandonnée. Et pourtant… Elle y rencontrera Notchka et y retrouvera Lazare, son agresseur, son sauveur. Et si elle n’était pas la seule, et s’il y avait une destinée plus grande à sa gueule que sa seule libération personnelle ?

Tenu par une écriture à la serpe, tendineuse, Casse-gueule nous entraîne dans les tréfonds de la société de façade et de l’asservissement qu’elle induit. Au début, simple réflexion sur le beau et ses obligations, le récit prend une toute autre dimension au fil des pages et à sa résolution. Tout au long du livre, Ava évoque sa fascination pour les volcans et la lave. Quoi de plus destructeur qu’une éruption de lave ? Imprévisible, chaotique, dévastatrice.

Reprenant les fils du thriller, y mêlant juste ce qu’il faut d’introspection et de technologie, Clarisse Gorokhoff livre un roman haletant, dérangeant et intrigant. Elle interroge notre rapport à nos identités physiques tout en retournant les armes du beau contre lui. Un roman profondément actuel, mais pourtant amené à résonner dans des époques bien différentes.

Gorokhoff couverture

 

Gallimard
240 pages
Aurore

 

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