Membres du groupe de soutien Solitudes Anonymes, une poignée de femmes laissent place à leurs petites voix intérieures, à leurs angoisses et leurs failles. Ce chœur intimiste s’écrit par bribes qui s’entremêlent. À la manière des racines profondes des plantes qui se cachent dans le secret de la terre ou encore du réseau de milliers d’infimes gouttes de pluie, de minuscules choses qui s’amassent autour et en elles déferlent subitement en un déluge. Catherine Ocelot se fond dans cette broderie de mots et trace de sa ligne éthérée un paysage de connexions humaines.
Métaphoriquement, avec humour et cynisme, elle met à nu les fêlures et les obsessions qui se lovent dans les habitudes. Elle parle des relations par le prisme d’une esthétique un brin loufoque mais avant tout très sensible, vibrant d’une justesse subtile. Que celles-ci soient toxiques ou douces, passagères ou étendues, elles sont jalonnées de rencontres fortes qui marquent à jamais.
Au cours de Symptômes, un patchwork de récits croisés se tisse autour des différentes facettes que l’anxiété et le contact avec autrui peuvent revêtir à l’âge adulte, de manière souvent inconsciente. Pour une des femmes, il s’agit d’une attente infinie face au moment opportun pour vivre, pour une autre une perte de poids incontrôlable. Catherine Ocelot y couche des questionnements intérieurs, un trop plein de pensées et d’émotions qui finissent par se déverser au creux d’un bol chamarré ou encore au court d’un rêve aux pattes grouillantes.
La solitude est au cœur de ce roman graphique, exposé selon les manières propres et uniques de chacune des protagonistes, qui se regroupent sous la plume de l’autrice. D’ailleurs, un sentiment très fort d’unité et de sororité émane des pages. Sensation accentuée par la légèreté des dessins, la façon à la fois décalée et fine avec laquelle elle manie et assemble des idées gravitant autour du rapport à soi.
Affirmant ouvrage après ouvrage son talent de conteuse d’un quotidien moderne, Catherine Ocelot possède le don de traiter des thématiques profondes avec mélancolie, absurde et poésie. J’ai trouvé en Symptômes une parenthèse de calme et de douceur, saisissante de justesse. Voici un livre-allié qui parle certes de déceptions et de toxicité, mais surtout de guérison et d’amitié.
Éditions Pow Pow
288 pages
Caroline