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Chat sauvage en chute libre – Mudrooroo

C’est l’histoire d’un type qui sort de prison, fait un tour dehors pour se confirmer qu’il n’a sa place nulle part et trouve le moyen d’y retourner au moment ou peut-être, une forme de réponse se présentait à lui.
Une trame minimaliste en forme de concentré de roman noir. Chat sauvage en chute libre, paru en 1965, est devenu au fil des rééditions un classique de la littérature australienne.

L’auteur, qui a adopté le nom aborigène de Mudrooroo, est un métis dont les origines revendiquées ont longtemps été débattues, donnant une idée de l’importance des questions raciales dans la société australienne.

Les éditions Asphalte ont publié une traduction française de Christian Séruzier en 2010 et la présente réédition est complétée d’un texte de l’auteur, « je suis moi. Et personne d’autre ! » daté de 2015 et revenant sur son parcours personnel, identitaire et littéraire.

Un roman noir dans le texte donc, donnant à sentir comment vivent ceux qui n’ont rien et dont on attend rien de bon, ceux qui se mettent perpétuellement dans la panade, sans personne pour les pleurer.

Ni pire ni meilleur qu’un autre, le personnage principal porte son absence d’illusions comme une carapace triste qui ne protège rien sauf les déceptions et les rancœurs, bien installées en certitudes.
Pour lui comme pour le lecteur, le retour à la case départ est totalement prévisible. Les retours sur le passé qui jalonnent le récit éclairent la trajectoire attendue du personnage principal, de la pauvreté au foyer pour jeune délinquant, puis à la prison. Tout est prévu sans être voulu, le fatum lié à la classe et au sang.

Mais on ne s’apitoie pas sur le destin du personnage, on n’y est pas insensible non plus. Le récit de la vie gâchée d’avance d’un homme pas mauvais pour un sou, intelligent, mais assigné dès la naissance dans une société raciste ne peut laisser indifférent.

En ne se pliant pas au jeu des péripéties et rebondissements, le livre assume un minimalisme au service d’une forme d’existentialisme.
La narration à la première personne d’un personnage se définissant par ses nuances de noir et tout ce qu’il n’est pas donne au « je » un caractère absurde qui baigne tout le récit.
La question de l’identité et de la place est centrale dans le récit. Le personnage principal, à l’identité indéterminée, a le sentiment permanent de ne pas être à sa place ou de vouloir fuir. Fuir un lieu, fuir une femme souvent. L’amour comme le salut sont condamnés sans appel par ce jeune homme

Les scènes d’attente ponctuent le récit et mettent en exergue l’entre-deux dans lequel erre l’anti-héros. Entre deux mondes, entre deux peines, entre le dedans et le dehors, le passé et le présent.
En prison, sur la plage, dans des cafés, il attend. Quoi ? Il ne le sait pas. La compagnie de Samuel Beckett tombe là comme une évidence.

La postface de Stephen Muecke, datée de 1992 complète et éclaire parfaitement le propos du livre. Il y est justement question de Camus et de l’Étranger, fort approprié.

J’ai pensé à Don Carpenter et son Sale temps pour les braves, aux peintures d’Edward Hopper pour l’ambiance et la lumière. Celle trop crue du dehors et l’ombre du dedans, la prison, toutes les prisons qui nous enferment dans places que nous ne pouvons que rejeter ou revendiquer à défaut de les choisir.
J’ai aussi brièvement pensé à Hafed Benotman (toutes les occasions sont bonnes) et sa description dans Un jardin à la cour du malaise du racisé dans les milieux blancs « de bonne volonté », et notamment les milieux artistiques. Son constat était le même que celui du personnage.

Un roman simple et important. Fluide et profond. Indispensable.
Depuis janvier pour la présente édition chez vos libraires.

Asphalte Éditions

Traduction Christian Séruzier

195 pages

Héloïse

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Chroniqueuse

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