Colson Whithead reçu le Pullitzer une première fois pour son excellent Underground Railroad, Entrant dans le club très restreint des auteurs ayant reçu deux fois le prix Pullitzer, il l’obtint une seconde fois, en 2020, pour Nickel Boys. Alors simple engouement pour un auteur qui s’intéresse au passé violent et raciste des États-Unis ou bien auteur à la dimension de William Faulkner ou John Updike ?
Nickel Boys c’est l’histoire d’une erreur judiciaire, celle du jeune d’Elwood Curtis qui se retrouve en maison de correction. Ce fan de Martin Luther King, promis à de grandes études, se retrouve dans la Nickel Academy, une sorte d’école de « la dernière chance » pour remettre sur le droit chemin les adolescents. Un lieu qui va s’avérer être l’enfer sur Terre pour cette jeunesse afro-américaine, et où tout reproche est propice aux sanctions les plus perverses et/ou violentes. Mais Elwood va également faire une rencontre, une amitié du genre qui va sceller son destin, celle de Turner.
Revenant sur le drame de « Dozier School for Boys » à Marianna en Floride, l’auteur transpose ici cette macabre découverte dans sa fiction et la symbolise par la Nickel Academy. La Dozier School for Boys était un camp de la dernière chance pour les enfants, majoritairement non-blanc, et la discipline y était de fer, au point que les détenus les plus « récalcitrants » finissaient par disparaître du jour au lendemain. Enfin, ça, c’était jusqu’à la découverte des tombes sans nom sur le terrain de la Dozier School for Boys ».
Une fois Passé l’encart contextuel, revenons sur l’œuvre. D’une narration fluide et efficace, Colson Whitehead travaille énormément sur l’ambiance, sans pour autant tomber dans un pathos maladroit. Utilisant le lien d’amitié, le désir d’évasion et les rêves de vies extérieur à l’école l’auteur semble chercher à redonner vie à ses enfants pour essayer de les sortir de cet enfer.
Puis il y a cette filiation, inattendu, et pourtant présente dans le fond, ce lien d’amitié qui renvoie à un autre, celle d’une nouvelle et d’un film dans l’univers de Stephen King avec son histoire « The body/Stand by me ». Nous retrouvons ce même lien fraternel, cette même fureur de vivre et de ce besoin de s’échapper.
Nickel Boys est un roman réussi, portant à la lumière avec intelligence et sensibilité une autre histoire raciste d’une Amérique qui n’en finit plus d’exécuter les afro-américains. Ne tombant jamais dans le reproche « Anti-Blanc » ou d’autres maladresses d’opposition, l’auteur frappe par la justesse de son propos, nous touche par la sincérité de cette relation et nous bouleverse par son dénouement. Colson Whitehead, tout comme précédemment avec Underground Railroad, nous invite à réfléchir sur la place de chacun dans notre société et sur ce qui justifie un tel acharnement envers des Américains qui n’ont que pour seul « défaut » le regard intolérant de son voisin qui s’inscrit un peu trop facilement en maître et possesseur.
Albin Michel,
Trad. Charles Recoursé,
260 pages,
Ted.