Maître incontesté de l’illustration gothique, de l’élégance morbide et de l’humour noir, Edward Gorey est encore trop souvent méconnu en France. Piqûre de rappel avec l’un de ses meilleurs titres : Le Couple détestable, objet de scandale paru en 1977.
Ils passèrent une bonne partie de la nuit à trucider l’enfant de plusieurs façons.
Manchester, 1965, l’Angleterre découvre avec horreur ce qui restera connu sous le nom des Moors Murders. Fait divers impliquant la mort de cinq jeunes enfants sous la torture du couple Hindley-Brady. Vingt ans après, Edward Gorey présente Le Couple détestable, court album en noir et blanc qui retrace l’histoire d’un couple similaire, de la naissance de chacun des tortionnaires à leurs derniers instants. Sans jamais en dire trop, Gorey croque la noirceur du monde de ces deux êtres. Par de courtes phrases accompagnant les planches monochromes, il souligne l’horreur et l’ironie des faits.
Au crépuscule du jour suivant, ils enterraient le corps et rangeaient le désordre.
Les illustrations à la plume soulignent la banalité du couple et leurs existences en marge de la société. Incompréhensions du monde qui les entoure, empathie inexistante, ils errent tels des fantômes. Ils ne susciteront de remous que lors de leur procès, où la foule s’énerve de leur aphasie. La question du basculement dans l’horreur, consécutif à leur rencontre, reste non élucidée. Loin d’accabler les deux protagonistes, Gorey nous amène à ré-humaniser ceux-ci, pauvres hères.
Elle mourut à l’âge de quatre-vingt deux ou quatre-vingt quatre ans.
A la fois inquiétante et fascinante, l’oeuvre de Gorey marque son empreinte sur le genre, inspirant les nouveaux gothiques. Son trait délicat et hachuré – d’une grande maîtrise – sert dans ce titre la banalité du mal et interroge sur la noirceur qui peut surgir de tous et l’absurdité des faits. Un auteur-illustrateur à découvrir absolument.
Editions Attila,
Traduction d’Oskar,
80 pages,
Aurore