Projet initié en 1996, Ennemis débarque en France par le biais de la maison d’édition Ankama, toujours soucieuse de partager et faire découvrir les nouveaux talents de l’univers du neuvième art.
Sous cette couverture au vernis sélectif nervuré, se dévoile une aventure S.F enfantée par deux graffeurs influent: D.Jaba Mathieu et Sozyone Gonzalez. Tout d’abord publiée en ligne sur la plateforme internet collaborative Kickstarter, cette série galactique a vue le jour grâce aux dons des mécènes de la toile.
On suit la quête mystérieuse de Dustin, terrien débarqué sur une planète puante régie par un dictateur lancé à la recherche du Naleter, substance organique procurant l’immortalité.
La narration omniprésente du personnage principal ne dévoile pas grand chose sur la raison de sa venue sur cet astre hostile, et l’ensemble de ce comics reste assez nébuleux. On est plongé dans la course effrénée de Dustin et de ses compagnons d’infortune, happé par le rythme soutenu, qui bondi de part en part sans jamais faire de pause.
Passant du coq à l’âne, abordant un langage assez soutenu tranché par des élans de vulgarité humain, nerveux, et surtout ponctué par des ellipses temporelles inattendues, la lecture est laborieuse mais c’est cela qui en fait tout le charme. C’est un fil de pensée sans chichis et grandes pompes inutiles. C’est le récit d’un homme éjecté sur une planète perdue, un être comme n’importe qui, essayant de comprendre le pourquoi du comment, sa raison d’être et son décalage.
D’autres messages forts sont véhiculés par le biais de cette épopée galactique; les colonies et leurs impacts sur la civilisation native, le respect et le viol des traditions ancestrales, le rôle de l’Homme parasite, son humanité et sa bestialité qui cohabitent dans un seul corps…
Oscillant entre le Manga et le Comics, Ennemis est aussi imprégné de la culture underground du graff et le réel point fort de ce one-shot reste son graphisme hors norme qui épouse parfaitement les lignes de l’univers entièrement imaginé par les deux artistes. La maitrise des couleurs, du trait et l’aspect tentaculaire du monde qu’ils ont crée révèle un sacré talent et il faut tout de même souligner que Jaba et Gonzalez ont également été Concept Artist pour des films comme Iron Man ou encore Star Treck. Ceci explique cela.
Si de premier abord Ennemis est difficile d’accés, c’est au final cette conscience brouillon et spontanée qui apporte une profondeur nouvelle à la lecture. En effet, la réflexion est transmise directement, de manière brute, comme lorsque l’on se parle à sois-même, créant ainsi une passerelle directe entre la narration et le lecteur.
C’est une bande-dessinée belle par son honnêteté et sublimée par son graphisme.
Editions Ankama
144 pages
Caroline