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Don Delillo – Americana

En 1971, Don Delillo alors âgé de 35 ans sort son premier roman : Americana. Ce fils d’immigré italien, extrêmement marqué par son éducation catholique, ayant grandi à onze sous le même toit et à l’imagination fertile, ne s’orientait pas, initialement du moins, vers une carrière d’auteur.

L’écriture ne l’intéressait pas, ce fut un processus lent chez l’auteur. Adolescent, lors d’un job d’été, il eu un déclic pour la lecture et les auteurs tel que Joyce, Faulkner, Flannery O’Connor ou encore Heminghway. Mais l’écriture, le cheminement vers le fait d’écrire et notamment de la fiction est apparu bien plus tard, vers la trentaine, et ce, malgré quelques essais peu concluant quand il avait vingtaine. Continuant ses études, notamment dans l’art de la communication, il finit par travailler dans la publicité. Boulot qu’il quittera non pas pour se lancer dans l’écriture et encore moins en vivre, mais plus simplement par envie d’arrêter de travailler.

Mais en parallèle l’écriture, de plus en plus présente, le demangeait, et après une première nouvelle publié dans la revue Epoch, du nom de “The River Jordan”, en 1960. Ce n’est que six ans plus tard – oui c’est un processus lent – qu’il se lança, enfin, dans l’écriture de son premier roman : Americana.

Americana, c’est l’histoire de David Bell, un programmeur Tv, comprenez par là que c’est lui qui créé des programmes de divertissement. Âgé de 32 ans faisant la pluie et le beau temps dans son monde, enchaînant les conquêtes, trois en particulier et quelques réussites professionnelles, surtoutl’émission Soliloque. David, le jour où son nouveau projet de documentaire sur une tribu Navajos est accepté, décide de partir en van avec une équipe pour échapper à son quotidien, aux vagues de licenciement dans sa boite et à la déprogrammation définitive de Soliloque par un de ses supérieurs. Un road trip aux accents initiatiques et mystiques qui se veut le pendant réfractaire à l’aliénation new yorkaise dans laquelle David Bell se perdait.

Le parallèle avec Kerouac, et son roman paru en 1957 «  Sur La Route », est fort. Inscrivant leurs protagonistes dans le mouvement. Trouvant un écho commun dans une jeunesse en marge de « l’establishment » cherchant à s’élever dans une quête de sens. Ou encore une certaine conception de la liberté matérialisée par l’ouest et les fantômes de la conquête ainsi que l’éventualité d’une identité nouvelle à la clé. Les deux auteurs, en abordant une thématique commune le roman de route, roman mystique, roman sauvage dans sa partie new-yorkaise se démarquent , néanmoins, par la déconstruction des personnages. Chez Don DelilloAmericana est la réponse au monde qu’il fuyait et aux ambitions qui naissaient en lui, c’est aussi le roman de la fatalité. C’est aussi le roman de l’impossibilité de totalement se réinventer, comme un écho quant à l’impasse d’une époque en proie à un système toujours plus oppressant.

Bien que ce roman puisse paraître austère ou prétentieux par moment, on ne peut que s’émerveiller de toute la finesse et l’intelligence d’un auteur marqué par son ambivalence des débuts. Ce mixe entre sa signature déjà identifiable et cette envie d’en mettre plein les yeux. Mais ne vous y trompez pas, le style Delillo est déjà-là!

Quand on connait son parcours, son amour du cinéma et notamment du cinéma européen, du cinéma « vérité », l’on ne peut que pas s’empêcher de trouver une sorte d’écho au parcours de l’auteur. Ce besoin de tout plaquer et d’aller s’accomplir en se surpassant intellectuellement, culturellement et artistiquement.

Americana, comme je disais, n’est pas exempt de défaut, quelques longueurs, une partie centrale hallucinée, qui peut nous perdre – un peu – par moments. Mais il est intéressant, à mon sens, de relire Americana en ayant « Point Omega » en tête, tant le livre lui fait écho.

C’est passionnant, c’est un témoignage, celui d’un auteur en déconstruction d’un côté et en transformation de l’autre, un auteur nostalgique et enchanté à la fois qui, déjà, ausculte une Amérique de « l’entertainement » creuse mais fascinante.

Actes Sud,
Babel,
Trad. Marianne Veron,
455 pages,
Ted.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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