« Mon père vit toujours dans la maison où j’ai grandi, sur la route au-delà du barrage. Chaque jour je vais voir s’il est mort,et chaque jour il déçoit mes attentes. Pour ça, je lui fis confiance, il est toujours prêt. »
Lors de son interview, Paul Lynch nous recommandait de lire « Le cœur qui tourne » de Donal Ryan. Une œuvre, selon lui, que tout le monde devrait lire. Publié en février 2015 chez Albin Michel dans la collection « Les grandes traductions », traduit par Marina Boraso, ce titre semble avoir la formule magique pour plaire !
Dans un village irlandais, un évènement est à l’origine de l’histoire, un point de départ qui scelle tous les personnages, un patron véreux qui les a plantés là sans même verser les allocations prévues en cas de chômage. Mais une tragédie va bouleverser ce même village. A travers le portrait et témoignage d’une vingtaine de personnages, l’histoire se construit, se déconstruit et se réécrit sous nos yeux, autant d’histoires que de points de vue, où finalement seule compte l’appréciation du narrateur face aux évènements.
Un premier roman chorale, ou polyphonique, prenez le terme qui vous convient, tout comme Jérémy Fel et son « Loups à leurs portes », les nouvelles sont utilisées habillement, chaque histoire est dissociable et intéressante, mais un arc narratif parcours toutes les histoires pour créer un tout.
Ancrant son histoire dans l’actualité, crise économique, fuite des capitaux, arnaques des lotissements de banlieues non achevés, immigrations etc.., Donal Ryan analyse avec malice, drôlerie et surtout beaucoup de finesse un monde qui, à l’image du cœur sur le portail du père Mahon, tourne et pas forcément dans le bon sens.
Autant de témoignages que de styles d’écriture différents. L’auteur adapte son style au besoin du personnage et rend le texte plus ou moins travaillé, plus ou moins drôle et plus ou moins fataliste suivant l’histoire, un travail intéressant qui contribue à une superbe mise en ambiance et nous plonge dans le quotidien pas si désespérant que ça de ces villageois.
« Ce que je regrette, c’est de ne pas avoir davantage d’imagination et de pas être plus couillu. J’ai réfléchi à tout ça – ces temps-ci je cogite vachement plus qu’avant – et j’en ai conclu que certains sont nés pour suivre les autres. »
Encore un titre d’une grande classe dans cette prestigieuse collection d’Albin Michel. Une traduction impeccable de Marina Boraso, et un auteur à suivre
Albin Michel,
Les grandes traductions,
Trad. Marina Boraso,
210 pages,
Ted.