Dystopia Workshop.
Si vous êtes un adepte des librairies parisiennes autour de la gare de Lyon ce nom vous dit probablement quelque chose. Si vous aimez les couvertures mystérieusement belles, vous en avez sûrement sur vos étagères, si vous aimez les littératures de l’imaginaire vous en avez probablement dans votre sac.
Si vous ne connaissez pas encore les éditions Dystopia Workshop, de belles découvertes vous attendent ! Sur un dernier livre, on en a aimé plusieurs, on en a chroniqué quelques-uns. Vous trouverez notamment la passion qu’a eu Jérémy pour Chants du cauchemar et de la nuit, de Thomas Ligotti, qui a fini l’année 2014 dans son Top 5, ou encore Cru, de luvan, Le Mont 84, de Yves et Ada Rémy. Et il y en aura d’autres.
L’édition associative Dystopia fête ces cinq ans cette année, et comme l’occasion fait le loutron, les fondateurs ont bien voulu répondre à quelques questions sur cette aventure.
Mais comme pour un anniversaire il y a des surprises, quelques auteurs et collaborateurs de Dystopia ont bien voulu nous parler, à leur façon, de cette maison d’édition un brin particulière.
À commencer par Stéphane Perger, auteur de couvertures et 3ème plume de la série des Yirminadingrad avec Léo Henry et Jacques Mucchielli, qui nous a bien gentiment proposé la superbe illustration qui ouvre cet article.
Avant de vous donner leurs réponses passionnantes à nos questions timides, laissons Léo Henry nous parler de Dystopia…
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Dystopia c’est la maison.
C’est tellement la maison que j’ai du mal à décrire plus précisément mon rapport à cette structure. Les gens qui y bossent sont des amis, de vrais amis de boulot. Ensemble, parfois, on fait des livres.
En tant que maison d’édition, ils ont le double héritage “chose littéraire” et “goût pour le genre”, ce qui les place à un endroit très bizarre et très riche. Celui qui m’intéresse le plus, en tous cas. D’un côté un souci de l’objet-livre, un goût de l’écriture, une manie du défrichage. De l’autre une intelligence du collectif, une grande connaissance de l’écosystème SFFF et une ouverture sur tout ce qui, d’emblée, paraît sortir des clous.
Ils sont libraires, aussi, et aventuriers de la distribution, et organisateur de rencontres, et pionniers des questions numériques. Ce sont des gens avec qui causer, réfléchir et expérimenter.
Dystopia n’a que 5 ans et déjà Tuttle, Agrati, luvan…
Autant dire que vous n’avez encore rien vu.
LH
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Merci beaucoup, Léo, voilà une bien alléchante mise en bouche ! Et maintenant, laissons la parole à l’équipe Dystopia !
1. Pourriez-vous présenter Dystopia Workshop ?
Dystopia est une association à but non lucratif (loi 1901) créée en 2009 par trois libraires : Clément Bourgoin, qui animait à l’époque la librairie virtuelle Ys, Olivier Tréneules, un des associés de Charybde et Xavier Vernet de Scylla.
2. Comment vous est venue l’envie de monter cette association ?
Il y avait un double objectif : aider les libraires où qu’ils se trouvent à organiser des rencontres avec les auteurs qu’ils mettent en avant et éditer les livres qui (nous) manquent.
La partie éditoriale, devenue prépondérante avec le temps, est née de notre rencontre avec Léo Henry et Jacques Mucchielli lorsque les éditions de L’Altiplano ont publié Yama Loka terminus. Ce recueil avait reçu un accueil enthousiaste à Scylla et nous avions envie de favoriser ce type de rencontres entre auteurs et les univers singuliers qui en résultaient.
Nous souhaitions rémunérer tous les intervenants qui font qu’un livre existe (auteur, traducteur, illustrateur, correcteur, maquettiste, imprimeur) sauf la partie éditoriale (choix et travail sur les textes, commercialisation des livres en auto-diffusion et auto-distribution que nous ferions nous-même). Nous voulions aussi donner aux libraires qui souhaiteraient défendre notre catalogue sur le long terme les conditions optimales pour le faire : à savoir 40% de remise, paiement à 60 jours fin de mois, frais d’emballage et de port offerts, retours libres.
Nous cherchons un équilibre financier sur des projets qui ne pourraient pas ou qui ne peuvent plus trouver leur place dans l’édition et la diffusion traditionnelle.
3. Qui sont les différents membres de l’association ?
Pour le bureau, Clément Bourgoin est secrétaire et webmaster, Olivier Tréneules, président de l’association, s’occupe de l’éditorial et Xavier Vernet, le trésorier, aide sur la partie éditoriale et prend en charge la commercialisation.
Le reste de l’équipe est composé de :
Laure Afchain, la maquettiste, qui nous a rejoints pour notre troisième livre L’Apocalypse des homards de Jean-Marc Agrati (celles des deux premiers ayant été réalisées par David Bosman).
Nous travaillons avec trois graphistes/dessinateurs pour les couvertures : Corinne Billon, Stéphane Perger et Laurent Rivelaygue.
Les traducteurs sont pour l’instant des traductrices : Mélanie Fazi, Nathalie Serval et Anne-Sylvie Homassel.
Au poste de correcteur, le blogueur Bertrand Nébal Bonnet vient d’être rejoint par Pascale Doré. Presque tout le reste de l’équipe fait office de bêta-lecteurs.
Enfin, quelques personnes participent à l’effort tout au long de l’année à différentes étapes de la création du livre ou sur les salons : Gaëtan Driessen, Laurence Jonard, Ronan Kouril, Hélène Pedot et une nouvelle recrue : Lucie Léger.
Les projets éditoriaux sont choisis collectivement.
Nous n’avons pas d’adhérents mais des donateurs réguliers.
4. Comment définiriez-vous la ligne éditoriale de Dystopia ?
Simple : un auteur, un style, une œuvre.
5. Déjà libraire, la création d’une structure d’édition était-elle une suite logique ?
Il faut croire… Être libraires était pour nous une façon de mettre en avant/conseiller/faire trouver leur public aux œuvres qui nous touchent. Et il n’y a pas plus frustrant que de ne pas pouvoir défendre des titres lorsqu’ils sont épuisés ou lorsque les auteurs sont simplement délaissés par l’édition traditionnelle. C’était le cas par exemple de Lisa Tuttle ou de Yves et Ada Rémy.
On a dû entendre une fois de trop de la part d’éditeurs (et de bons, en plus) : « c’est formidable mais je ne peux pas le publier, ça ne se vendra pas. »
En optant pour une maison d’édition associative, nous nous sommes donné les moyens de publier ce que nous trouvons formidable. Du coup, nous n’avons que de bonnes surprises comme le millier de ventes sur nos deux premiers recueils de nouvelles : Bara Yogoï de Léo Henry, Jacques Mucchielli et Stéphane Perger et Ainsi naissent les fantômes de Lisa Tuttle, présenté et traduit par Mélanie Fazi (et repris il y a un an dans la collection Folio SF). Le démarrage de Chants du cauchemar et de la nuit de Thomas Ligotti que nous devons à la traductrice Anne-Sylvie Homassel a été – à notre modeste niveau – spectaculaire.
6. De quelle manière la « wishlist » présente sur le site de Dystopia reflète-t-elle la pensée de l’association ?
C’était un moyen pour nous de délimiter notre domaine littéraire, notre champ d’action. Chaque auteur de cette liste est un jalon. Voilà quelle littérature nous publions et défendons.
7. Comment avez-vous été amené à travailler avec Léo Henry, Jacques Mucchielli et Stéphane Perger d’une part, et Yves et Ada Rémy d’autre part ? Un coup de cœur littéraire d’origine ou une belle rencontre plus fortuite ?
La rencontre avec Léo et Jacques s’est donc faite lors de la parution de Yama Loka terminus et du lancement du recueil à la librairie Scylla. Nous avions envie de faire collaborer des auteurs au sein de Dystopia. Et vu la réussite de cette première collaboration, nous leur avons naturellement demandé si l’idée de travailler à nouveau ensemble les tentait. Ils nous ont répondu oui tout de suite à une condition près : que ce soit Stéphane Perger qui soit aux pinceaux. Vu ce que nous connaissions de son travail et ce qu’il avait livré pour Yama Loka terminus, cette condition n’a bien entendu posé aucun problème. Léo et Jacques nous avaient prévenu qu’ils pensaient avoir fait le tour de Yirminadingrad et que le recueil qu’ils nous proposeraient serait probablement très différent. Bara Yogoï – Sept autres lieux est effectivement très différent de Yama Loka terminus… mais ils n’avaient pas encore tout dit à propos de Yirminadingrad. Dès ce deuxième recueil, Stéphane Perger n’est plus considéré seulement comme un illustrateur mais comme un auteur à part entière au même titre que Léo et Jacques.
Vouloir favoriser ces collaborations nous a amené logiquement vers les Rémy. Leur mythique recueil Les Soldats de la mer était épuisé depuis une dizaine d’années. Il s’est imposé comme un projet potentiel pour Dystopia. Nous les avons contactés et leur avons proposé une réédition en numérique des Soldats de la mer car nous n’avions pas les moyens d’en éditer alors une version papier. Lors de cette première rencontre, nous n’avions publié que Bara Yogoï et les Rémy nous ont confié un recueil de quatre nouvelles ayant pour thème la préscience. Deux des quatre textes n’avaient jamais été édités : Le Prophète et le Vizir est né comme ça.
Nous avons tout de suite pensé à Corinne Billon pour illustrer les œuvres des Rémy. Son travail sur les romans de Jeff Noon et Valerio Evangelisti publiés par La Volte nous paraissait correspondre totalement à nos attentes : de la classe et de la sobriété.
8. Comment se passe le choix des textes étrangers ?
Nostalgiques des anthologies Casterman qui avaient ce sous-titre « textes choisis, présentés et traduits par… », nous avons voulu faire revivre cette signature. Nous avons donc proposé une carte blanche à la traductrice Mélanie Fazi dont nous défendions le travail de nouvelliste depuis des années. Elle devait choisir un auteur, constituer un sommaire de textes inédits et les présenter dans un recueil. Voilà pour Ainsi naissent les fantômes de Lisa Tuttle.
Pour Les Chambres inquiètes, nous avons rencontré Nathalie Serval lors de la première venue de Lisa Tuttle en France. C’est une auteure qu’elle avait beaucoup traduit lorsqu’elle était publiée par les éditions Denoël. Nous avons donc sélectionné avec elle et Mélanie Fazi les meilleures des 35 nouvelles de cette période.
Quant à Chants du cauchemar et de la nuit de Thomas Ligotti, c’est Anne-Sylvie Homassel que nous connaissions pour son excellent travail au sein du Visage Vert (autre maison d’édition associative tout à fait recommandable), qui nous a proposé le projet quand elle a lu le premier recueil de Lisa Tuttle. Notre fonctionnement lui convenait tout à fait et Ligotti n’avait encore jamais eu de recueil publié en France malgré sa réputation outre-Atlantique.
Il y aura d’autres recueils inédits sur le même principe mais dans le meilleur des cas, nous ne pouvons en publier qu’un tous les deux ans.
9. Comment travaillez-vous le graphisme et l’aspect de vos livres, qui sont tous très beaux et forment une belle unité avec le texte, d’un bout de la couverture à l’autre ?
Nous publions essentiellement des recueils de nouvelles et savons très bien que, comparés aux romans, le public est bien plus restreint. Les livres de l’association Dystopia s’adressent donc aux gens curieux, à ceux qui veulent qu’un livre les touche, les remue. Ça, c’est la donnée de base, par là que tout commence.
Ne lisant plus de textes de quatrième de couverture depuis des années à cause des spoilers mais aussi pour ne pas se faire enfermer dans une vision, dans une certaine attente de l’œuvre, nous avons décidé, pour le plus grand plaisir de Léo et Jacques et le futur désespoir des Rémy, de ne jamais mettre de texte en quatrième de couverture. C’est aussi un moyen radical pour s’en remettre à la prescription des libraires…
Nous laissons donc la totalité de la place aux graphistes pour qu’ils nous donnent leur vision de l’œuvre. Nous avons une charte graphique très légère : aucun logo ou de titrailles fixes à positionner, par exemple mais l’autorisation, la demande même, de jouer avec le code-barre, probablement l’élément le plus laid mais aussi le plus incontournable d’une couverture pour en faire quelque chose de beau et d’harmonieux.
10. Vous publiez tant des titres comme la série des Yirminadingrad, des textes bruts, durs et politiques, que d’autres plus fantasmagoriques comme Les soldats de la mer. Cela est-il révélateur de l’amplitude que vous souhaitez donner au catalogue ?
Les domaines littéraires qui nous intéressent sont vastes. Ce qui prime : c’est que l’œuvre nous touche, qu’elle frappe et fort si possible. Les récits et les styles peuvent être radicalement différents, du trash de Jean-Marc Agrati à la poésie en prose d’Anne-Sylvie Salzman en passant par les dissonances de luvan ou l’engagement politique de Léo Henry et Jacques Mucchielli… une chose reste immuable : derrière il y a un auteur, une patte et un livre qui est tout sauf vain.
11. La grande majorité de votre catalogue est constituée de recueils de nouvelles, d’anthologies… Est-ce par attachement pour cet exercice, pour donner plus de visibilité à une forme qui est un peu sous-estimé parfois ?
La nouvelle, quand elle est réussie, est tout aussi satisfaisante qu’un roman. Il n’y a pas de gras, gras qu’on peut reprocher à la plupart des romans de plus de 500 pages publiés aujourd’hui.
En France, nous n’avons pas la culture de la nouvelle, contrairement aux pays anglo-saxons où la publication des pulps par exemple a favorisé très tôt sa diffusion et sa lecture par un public très large.
Ce désamour pour la forme courte est probablement en train de changer. Nos habitudes, notre temps destiné à la lecture se transforme. Il est très probable que dans les années à venir, cette tendance s’inverse, que la nouvelle plaise plus et que son public s’élargisse.
12. Dystopia Workshop c’est aussi une association qui travaille à faire venir en France des auteurs étrangers. Continuez-vous toujours cette partie ou l’édition a-t-elle pris le dessus ?
L’édition a pris le dessus. Même avec ce petit rythme de deux ou trois parutions annuelles, le temps manque pour organiser et surtout coordonner ce type d’événement. Les finances aussi d’ailleurs… Mais nous essayons quand même de développer les Dystopiales. C’est un festival informel qui a lieu trois fois par an à Paris où une petite dizaine d’auteurs viennent à la librairie Charybde et à la librairie Scylla. Nous avons à plusieurs reprises profité de l’occasion pour en faire signer certains dans d’autres librairies : Mollat à Bordeaux, L’Esprit Livre à Lyon et La Dimension Fantastique à Paris. Dès que nous en aurons les moyens, nous développerons ces rencontres.
13. On parle souvent d’une crise de l’édition, de la difficulté à se lancer et se maintenir. Comment une structure comme Dystopia Workshop peut-elle tirer son épingle du jeu dans ce contexte-là ?
Le fait d’être une association à but non lucratif est notre force. Nous n’avons pas d’impératif financier puisque nous n’attendons pas de retours sur investissement des éditions. C’est donc aussi notre faiblesse : il faut que nous ayons d’autres revenus et du temps et de l’énergie restante à consacrer à Dystopia. Mais au bout de 5 ans, l’enthousiasme et l’énergie sont toujours là ! L’équipe est réduite, certes, mais motivée et très consciente que nous nous développons de manière tout à fait satisfaisante. Et quand nous aurons plus de moyens, nous nous occuperons de tout ce que nous avons pour l’instant mis en attente. Nous sommes d’un naturel patient et tenace.
14. Exister en numérique est-il important pour vous et une structure comme Dystopia ? Que vous apporte ce mode de diffusion ?
Notre philosophie sur le numérique est simple : c’est un autre vecteur pour l’œuvre. Il a ses qualités et ses défauts, tout comme le livre imprimé. Mais calquer son mode de diffusion sur celui du papier n’a pas de sens. Ce nouveau vecteur est idéal pour s’affranchir du plus d’intermédiaires possible. Et c’est ce que nous faisons en vendant en direct et en exclusivité sur notre site les versions numériques de notre catalogue (à des prix raisonnables, aux formats EPUB et PDF et sans DRM bien sûr). Cela nous permet de rétribuer l’auteur à hauteur de 50% du prix public de l’ebook (ou à 33% lorsqu’il y a également un traducteur qui touchera la même part).
Numérique et papier se complètent harmonieusement : le numérique pour la vente directe, le papier pour les libraires.
15. Dystopia fête ses 5 ans, quel bilan tirez-vous de ces premières années ?
Positif. Très positif même. Nous sommes agréablement surpris des ventes. Nous avons débuté il y a 5 ans en imprimant en numérique 200 exemplaires de Bara Yogoï et moins de trois ans plus tard nous avons tiré 2000 exemplaires des Soldats de la mer. Le reste de la production étant imprimé à 1000 exemplaires depuis notre quatrième titre Le prophète et le Vizir.
Voir certains lecteurs acheter systématiquement Dystopia en toute confiance nous conforte dans notre ligne éditoriale. Nous savons bien qu’on ne peut pas plaire à tout le monde, que ça n’est même pas souhaitable en fait… La vitrine qu’est Internet et le relais des blogueurs nous aident à nous faire connaître des lecteurs potentiels où qu’ils se trouvent.
16. Quels sont vos projets pour les 5 prochaines années ?
Travailler sur le long terme est la clef.
Nous allons donc terminer le cycle Yirminadingrad par un quatrième recueil écrit par douze auteurs invités à se perdre dans la cité imaginaire : Stéphane Beauverger, David Calvo, Alain Damasio, Mélanie Fazi, Vincent Gessler, Sébastien Juillard, Laurent Kloetzer, luvan, Norbert Merjagnan, Jérôme Noirez, Anne-Sylvie Salzman et Maheva Stephan-Bugni. Chacun ayant reçu un dessin original de Stéphane Perger et que son texte doit « illustrer ».
Le recueil est prévu pour 2016 et nous en profiterons pour réimprimer Yama Loka terminus (dont les stocks rachetés à L’Altiplano arrivent à épuisement) et Bara Yogoï pour lui donner une impression et une fabrication d’encore meilleure qualité. Vu les investissements nécessaires, Dystopia aura recours au financement participatif.
Nous poursuivrons le travail sur l’œuvre des Rémy avec la réédition de La Maison du Cygne et nous pencherons ensuite sur le reste de leur œuvre…
Nous attendons que Jean-Marc Agrati juge son cinquième recueil lisible et quoi qu’il se passe, nous rééditerons son premier : Le Chien a des choses à dire.
Il y aura aussi un jour une deuxième anthologie Dystopia avec des textes inédits et une interview des auteurs publiés par l’association. C’est à la fois un moyen de découvrir le catalogue et pour ceux qui sont déjà convaincus d’avoir une dose supplémentaire en attendant la suite…
Au sommaire : Agrati, Ligotti, luvan et Tuttle pour ne citer qu’eux.
D’autres recueils de traducteurs aussi. Beaucoup de pistes dans cette voie mais toujours aussi peu de temps…
17. Une sortie dont vous êtes particulièrement fier ?
Non, nous sommes satisfaits de toutes les parutions. Nous le serons encore plus lorsque chaque titre aura franchi le cap des 1000 exemplaires vendus. Là, on pourra se dire qu’on aura fait le job et qu’au final les livres « formidables » ne sont pas condamnés à ne pas se vendre. Sans être faramineuses, 1000 ventes nous permettent, quel que soit le projet, de dégager un petit bénéfice.
18. Un livre que vous auriez voulu avoir au catalogue ?
Les Saisons de Maurice Pons.
19. Un avant-goût des projets à venir ?
Fin 2015, nous allons coéditer avec les éditions du Bélial’ l’intégralité du cycle Le Rêve du Démiurge de Francis Berthelot. Il s’agit de neuf romans (le dernier est pour l’instant inédit) publiés depuis 1994 et dispersés chez cinq éditeurs différents. Nous les regrouperons en trois volumes qui sortiront en fin d’année 2015, 2016 et 2017. C’est ce qui sera notre plus gros projet : le premier volume, en cours de maquettage, est déjà un peu plus épais que Le Mont 84. Les deux suivants seront encore un peu plus gros.
20. Top 5
Réponse collégiale du bureau :
Vermilion Sands de J.G.Ballard
Axiomatique de Greg Egan
Pixel Juice de Jeff Noon
C’est ainsi que les hommes vivent de Pierre Pelot
Spin de Robert Charles Wilson
21. Un dernier mot pour la fin ?
L’association a besoin de vous pour financer les prochains projets. En achetant nos livres en librairies ou sur notre site si vous êtes trop éloignés d’un des points de ventes.
Vous pouvez aussi faire un don. Pour fêter nos 5 ans de publication, un sac Dystopia sera offert (dans la limite des stocks disponibles) à toute personne qui fera un don de 50€ et plus.
Ce sac sera offert pour toute commande de 100€ sur notre site.
Bref, aidez-nous à faire de belles et bonnes choses. Vous ne le regretterez pas.
Merci beaucoup Dystopia ! Tout cela fait bien envie ma foi !
Pour en savoir plus sur leurs projets, leur catalogue… c’est par ici !
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Paroles aux collaborateurs… suite !
Régalons-nous maintenant des réponses à quelques questions d’un autre collaborateur de Dystopia…
5 questions à Bertrand Nébal Bonnet
Ta rencontre avec Dystopia ?
Je connaissais ces gens-là, et en premier lieu Xavier, avant que Dystopia ne débute – grâce à la librairie Scylla. Xavier, du coup, m’avait filé des bouquins qu’il souhaitait voir réédités, pour avoir des avis extérieurs. Parmi ces livres, il y avait notamment Les Soldats de la mer d’Yves & Ada Rémy, mais aussi Roche-Nuée de Garry Kilworth, qui a tout compte fait été réédité chez Scylla. Via le réseau de la librairie, j’avais aussi rencontré Léo Henry & Jacques Mucchielli, et la “vente forcée” (mais pas tant que ça) de Yama Loka Terminus (alors aux éditions de L’Altiplano) m’avait amplement convaincu qu’on tenait là quelque chose de très fort. Du coup, quand Dystopia a commencé, j’y ai été associé pour faire de la relecture/correction, sur presque tous les livres publiés par la structure.
Dystopia en trois mots ?
FUCKING GREAT BOOKS.
Un livre qui résume Dystopia ?
Je sais pas trop. Je tends à penser qu’on ne saurait résumer Dystopia à un livre, du fait de la diversité des projets – qui n’empêche pas, miraculeusement, une certaine cohérence éditoriale. Mon chouchou personnel serait probablement Les Soldats de la mer d’Yves & Ada Rémy, mais de là à dire que ce livre – une réédition, par ailleurs, ça compte – résumerait Dystopia ? Ca se ferait au détriment des livres sur Yirminadingrad de Léo Henry & Jacques Mucchielli (et plus puisque affinités), par exemple, ou des livres associant traducteur et auteur, ou encore d’une chose aussi à part et vigoureusement originale comme L’apocalypse des homards de Jean-Marc Agrati. Dystopia, c’est tout ça ; non, décidément, je ne pense pas qu’on puisse résumer Dystopia à un livre.
Pourquoi Dystopia est-elle indispensable ?
Probablement parce que Dystopia fait preuve à la fois d’audace et de goût, en publiant des livres pas toujours évidents, pas exactement des best-sellers, mais des livres qui méritent qu’on y jette (ou rejette en cas de réédition) un oeil. J’ai du mal à imaginer certains des titres de Dystopia chez d’autres éditeurs (plus conventionnels ?). Et, ça fait un peu convenu peut-être de présenter les choses ainsi, mille excuses, mais il y a une vraie passion derrière chaque livre publié. Et ça se sent, j’en suis persuadé. Ça joue sans doute sur le caractère “fini” des livres, tous réalisés avec une grande attention ; le résultat crève les yeux : les livres de Dystopia sont aussi beaux que bons. La politique de l’association au regard du numérique me paraît également intéressante. Mais, finalement, l’idée, c’est sans doute que Dystopia, avec ses moyens a priori limités, est un authentique éditeur, qui fait vraiment son boulot – et peut-être le boulot d’autres structures ? -, avec soin et constance. Pour moi, ça tient de l’idéal.
Le livre que tu voudrais voir chez Dystopia ?
Question délicate là encore… J’imagine qu’il y en aurait plein, mais ne suis peut-être pas le mieux placé pour connaître les réalités de l’édition, les relations avec d’autres maisons, ce genre de choses… Il y aurait bien quelques titres, mais je ne sais pas si c’est du domaine du faisable. Mais par exemple, disons Les Sirènes de Titan de Kurt Vonnegut, édité il y a un bail chez Présence du Futur (avec une traduction à revoir, certes…) et indisponible depuis… Toujours du côté des rééditions, mais je ne sais pas quelle est la situation exactement vis à vis de Terre de Brume, cette fois, mais j’adorerais voir Les Dieux de Pegana de Lord Dunsany dans cette belle collection (avec d’autres recueils de la même eau). Algernon Blackwood, peut-être, aussi ? Et puis des trucs vraiment pas très probables, comme, en SF pointue, Schismatrice de Bruce Sterling… Hors rééditions, du côté des choses plus contemporaines, j’aimerais beaucoup voir du Cory Doctorow chez Dystopia. Et j’aimerais aussi voir la structure poursuivre dans la voie du fantastique et de l’horreur, genres bien trop délaissés à mon sens aujourd’hui ; dans la continuité de ce qui a été fait pour Lisa Tuttle et Thomas Ligotti, donc…
Nébal est un con (c’est lui qui le dit, pas moi !) et fait de chouettes chroniques !
***
Pour clore ce dossier nous nous sommes procurés par des moyens bien dangereux (Un dernier livre est prêt à tout pour une investigation sans faille et pour t’apporter toute la vérité, lectrice, lecteur) la lettre suivante.
Message personnel ? Lettre cryptée ? Le mystère reste entier…
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Serge Beuzy
La Londre
Chemin du Gulo
20300 Santa Croce
À M. Xavier Vernet
Librairie Scylla
12, rue Riesener
75012 Paris
Santa Croce, le 30 juin 2015
Cher Monsieur,
Correspondant régulièrement avec l’un de vos clients (dont je tairai, à sa demande, le nom) et étant par ce biais avisé de votre lutrinophilie, manie partagée par les esprits les plus remarquables (mais, semble-t-il, non par ledit client, ce qui explique peut-être son désir d’anonymat), je souhaite porter à votre connaissance la thèse dont je suis l’auteur et que j’ai soutenu avec le plus grand succès le 17 avril 1966 à Bruxelles, dans l’amphithéâtre du Musée d’histoire naturelle de cette ville. Les membres du jury étaient messieurs les professeurs Charles Demuzières, de l’Institut de recherche sur les mammifères aquatiques de Genève, Yoshisuke Kawauso, de l’Université de Waseda (faculté de mammologie aquatique), Jean-Georges Émile-Lebrun, de l’Université œcuménique de Québec (département de lutrinologie appliquée) et Galaktion Galaktionovitch Galinovski-Abramov, de l’université de la Sorbonne (département d’ethnographie).
Ce travail, dont la direction a été assurée par le regretté Hubert Solin-Palinowski, fondateur et directeur du Laboratoire d’études sur les mammifères aquatiques à l’Université catholique de Louvain, s’intitule Le libraire et la loutre : étude multidisciplinaire d’une figure récurrente dans les rapports d’explorations naturalistes et de fouilles paléontologiques de la seconde moitié du xviiie siècle jusqu’à nos jours. En m’appuyant sur l’abondante littérature scientifique concernant d’une part les lutrinae et d’autre part les libraires, je propose une lecture renouvelée de quatre pièces essentielles relatives à la figure du libraire et de la loutre (qui, si elle n’est pas aussi familière à l’esprit curieux que celle de la licorne et de la vierge, est pourtant, sur le plan historiographique, d’une puissance aussi soutenue) : tout d’abord, la fresque dite enhydraïque découverte en 1769 par Réaux à Delphes (vous pourrez en voir quelques reproductions dans ma thèse ; je tiens à votre disposition d’autres pièces, qui ne pouvaient, pour des raisons qui vous paraîtront évidentes lorsque vous en aurez pris connaissance, être reproduites dans un ouvrage universitaire) (Delphes, 1769 et Delphes, 1806); puis le «Laulva saarmas ja raamatud» des Estes (Kaunas, 1822) ; le conte dit du Libraire de Velice, qui commence par ces lignes émouvantes : «Knjizar htjeli podici troje djece vidre…» (Hvar, 1875) et pour finir, l’étonnante découverte faite en 1927 par Hildur Svendottir de la sépulture dite Librairie des loutres («Bokasafn otters») à Hrafnagilshverfi (Hrafnagilshverfi, 1927).
Ces quelques aperçus vous donneront, je l’espère, l’envie de découvrir ma colossale et, je n’hésite pas à le dire, séminale étude, publié en 1967 par les Éditions Maurice de Lontra, à Bruges. J’en possède encore quelques exemplaires et serai fort heureux de vous en céder un, dûment dédicacé, pour la modeste somme de 47 euros, port compris. Paiement uniquement par chèque à l’ordre de Serge Beuzy.
Je joins à ma missive une illustration apéritive et vous prie, cher monsieur Vernet, de bien vouloir agréer l’expression de mes sentiments les plus cordiaux. Je ne vous connais pas, mais je sais qu’un homme qui aime les loutres ne peut être foncièrement mauvais.
Serge Beuzy, professeur des universités belges, docteur en ethnographie et en biologie comparée.
***
Je remercie toute l’équipe de Dystopia pour sa grande motivation et son immense disponibilité. Stéphane Perger, Léo Henry, Bertrand Nébal Bonnet et Serge Beuzy pour leur participation enthousiaste, Hugues Robert pour avoir servi d’intermédiaire. Et d’autres aussi, mais ne spoilons pas…
Pour plus d’infos sur Stéphane Perger c’est par là et par ici aussi, Léo Henry est ici et le mystérieux Serge Beuzy (est-ce un espion, un lutrinophile fou ?) peut-être est-ce là…
Stay tuned… d’autres surprises à venir !
© Image à la une, Stéphane Perger
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