Un essai passionnant et foisonnant sur l’univers du film noir. Bienvenue dans la Dark City aussi glorieuse qu’inquiétante. Elle vous accueille les bras ouverts, et vous rappelle qu’un certain univers cinématographique a existé, une forme où réalité et fiction ne sont pas si différentes.
« A Dark City, le crime n’est pas réservé aux professionnels. Entre les petites clôtures et les haies bien taillées des enclaves résidentielles, la mort plane en permanence. De petits mensonges insignifiants se muent en tromperies coupables, puis poussent, deviennent d’épouvantables secrets, et finissent par fleurir sous forme de coups de couteau et de détonations mortelles. Mais dans ce quartier-là, tout tourne autour de la passion et non du profit. »
Dark City c’est New York, ou Chicago, ou Vegas, non certainement plus Los Angeles, oui la grande L.A, mais Dark City c’est surtout la part sombre de toutes ces villes, l’univers des rues, des délinquants, des trafiquants, des bookmakers, des avocats véreux, de la grande blonde en tailleur qui fume sous un réverbère, de l’énigmatique brune au regard de biche qui envoute le détective privé venu enquêter sur elle. Ça vous rappelle quelque chose ? Ellroy ? Tout à fais, car l’univers du film noir est tout ce qu’incarne l’univers de James Ellroy, et Eddie Muller l’a très bien compris et en joue !
« Hayworth accepta d’être la marionnette de Welles pour une raison des plus pragmatiques : un succès remplirait sans doute ses coffres vides et signifierait une meilleurs pension alimentaire une fois le divorce prononcé. »
Dans son essai l’auteur décortique et re-analyse tous les codes de ces films, leurs mythologies, leurs genèses. Journaliste et critique, Eddie Muller est avant tout président de la fondation pour la sauvegarde du film noir et c’est un auteur inspiré aux connaissances gargantuesques qui nous fait découvrir ce monde perdu du film noir. L’implication de la mafia dans le milieu, qui voulait se faire une part belle dans le cinéma, les fais réels inspirant le cinéma, la réalité rattrapant souvent la fiction, tous ces parallèles, ces enjeux et toutes ces ambitions perdues sont passés au microscope pour nous divertir dans la forme, car l’écriture d’Eddie Muller est très similaire à celle d’Ellroy, comme je le disais plus tôt, mais surtout dans le fond en nous enrichissant avec une foultitude de détails.
Après l’essai sur Elmore Leonard, la collection « Ecrits Noirs » publie un second essai passionnant, qui prouve que le Noir (cinéma et littérature) est un peu plus que de la fiction, un univers riche qui a beaucoup plus à offrir que de simples histoires de meurtres ou de corruptions. A noter le superbe travail de traduction de Benjamin et Julien Guérif qui ont su conserver tout le charme et la saveur de l’écriture de l’auteur.
«Je voulais réussir, faire mon chemin dans la société, et je pensais qu’il existait trois façons d’y parvenir… vous pouvez hériter d’une fortune, vous pouvez travailler dur toute votre vie pour la gagner, ou vous pouvez la voler. Moi, je suis né pauvre et pressé. »
Rivages,
Ecrits Noirs,
Trad. Benjamin et Julien Guérif,
425 pages,
Ted.