Édith Azam propose, avec Mon corps est un texte impossible, une esthétique radicale, un texte se mouvant sur la page où se bouscule une multitude de typographies. Auparavant, il n’y avait plus cette recherche graphique dans son travail. Dans Bestiole-moi pupille paru en 2020, l’inventivité est autre part, s’exprimant à travers le choix des mots. Ce retour vers la poésie visuelle s’inscrit dans une série de livres que la poète a publiée à l’Atelier de l’agneau. Du pop-corn dans la tête ou Amor barricade amor étaient déjà des livres où Édith Azam déployait un graphisme poétique libéré de toute contrainte.
Cette forme très picturale du texte n’est évidemment pas nouvelle en poésie, mais raconte quelque chose de l’œuvre d’Édith Azam. Si vous avez eu le plaisir d’entendre la poète durant une lecture, vous savez que le corps a une place très importante. Celui-ci contient ce qu’elle a à dire. Elle scande sa poésie dans un balancement heurté et nerveux. Dans ce livre, c’est cette corporalité qui est exprimée autant par sa forme que dans les mots. Le corps enferme les os et les pensées. Il contraint et expulse difficilement l’expression. Pour Édith Azam, le corps est une épreuve plus ou moins douloureuse.
Finalement Édith Azam, en revenant à un texte très picturale, y déploie la vitalité de sa poésie. Il faut lire Mon corps est un texte impossible comme une partition. Ce livre invite à imaginer la performance qu’il pourrait produire. Le propos semble tourner un peu en rond, mais ce n’est pas ça qui importe. Le propos est simple et se résume dans le titre. Mon corps est un texte impossible se décompose en une multitude de variations, racontant le rapport entre le texte et le corps. C’est aussi un livre d’une rare sensibilité, qui transmet beaucoup d’émotions.
Le rapport de la poète à son corps est contraint, difficile. C’est comme si elle livrait une bataille à chaque moment créatif. Nous sommes loin d’une poésie écrite sagement à un bureau, penché sur l’ordinateur, ou pire avec des doigts tenant une plume. Cette imagerie mièvre de l’écriture poétique est bel et bien révolue. Édith Azam semble avoir créé Mon corps est un texte impossible debout, avec son corps tout entier. La typographie mouvante est comme ce corps avec lequel elle lutte. La poésie que propose Édith Azam est fortement vivante. Elle extirpe cela de son vécu, de son expérience sensible et en résulte une poésie honnête et émouvante.
104p
Adrien