Sorti dans la collection « Présence du futur », alors dirigé par Elisatbeth Gille, chez Denoël, en 1981, “le silence de la cité” remporta trois prix prestigieux l’année suivante. Ainsi, ce roman préfigurant Le « Chroniques du pays des mères », a gagné le Prix Boréal, Rosny ainé ainsi que le Grand Prix de la SF française. Une consécration qui aurait du permettre au titre de devenir une référence, mais les aléas de l’édition étant aussi efficace que l’entropie, il était particulièrement compliqué de tomber sur ce titre ces dernières années, même en occasion.
Mais c’était sans compter sur cette vague d’éditeurs “indés” spécialisés sur la littérature de genre et de science-fiction en particulier. Ainsi ses dernières années, nous avons pu redécouvrir Elisabeth Vonarburg grâce aux rééditions des Chroniques du pays des mère chez Mnémos ou encore l’intégral en deux volumes de Tyranaël par Les moutons électriques. Un projet d’intérêt public tant la littérature d’Elisabeth Vonarburg est actuelle et entre en résonance avec notre société actuelle.
Cette rentrée nous permet de continuer cette redécouverte avec le Silence de la cité. Un roman plus court que les deux titres cités précédemment, mais une œuvre d’une densité rare qui a énormément de chose à raconter et se trouve être une formidable porte d’entrée pour la suite des aventures au pays des mères.
La civilisation à l’ère des catastrophes ! À une époque rongée par un mystérieux virus ne permettant presque plus d’avoir de garçon, remettant en cause le destin de l’espèce, et après une catastrophe impliquant des radiations, l’humanité fortement réduite est divisé en deux groupes. D’un côté les sauvages, des survivalistes, vivant en plein air dans les vestiges des anciennes villes. De l’autre, une forme d’élite, des humains enfermés dans des cités, parmi ses habitants, des scientifiques, cherchant avant tout à sauver l’espèce humaine et à inverser la courbe de la décroissance en permettant d’avoir à nouveau des garçons plus fréquemment et permettre à la croissance de redémarrer.
Dans une des cités, une enfant, Elisa, est la meilleure promesse qui soit, grâce à un pouvoir assez unique. Résultat de manipulations génétiques, elle est une sorte de quintessence de l’espèce humaine, mais, une enfant seule peut-elle inverser la tendance et surtout, ayant grandi dans un monde d’illusions, sera-telle capable de mener à bien ce projet ?
Petit livre d’une ampleur folle, le silence de la cité brasse un paquet de thèmes sur le genre, la science ou encore la société sans jamais nous perdre ni nous étouffer sous l’abondance des propos. Ainsi, les sujets questionnés sont toujours amenés avec énormément de finesse et d’intelligence. Car oui, Elisabeth Vonarburg aime flatter l’intelligence de ses lecteurs, en partant du constat que nous sommes des êtres curieux, et que nous possédons un bagage culturel un minimum fourni, l’auteurice nous invite dans des contrées de la pensée qui font souvent écho à notre société et notre époque sur le versant écologique ou encore économique et social.
Abordant notamment le prérequis patriarcal, qui même en voie de disparition s’avère quand même toxique, tout en questionnant le féminisme et la sororité, Elisabeth Vonarburg nous projette dans un univers en transition où rien n’est acquis et où tout est encore à faire. Ce qui donne des vertiges de considération assez géniaux quant à notre rôle actif aujourd’hui.
Pour revenir à la fiction pure, l’auteurice, dans un style aussi beau qu’efficace, sait conter et maintenir son lecteur en haleine du début à la fin. Un titre dense, riche et intelligent qui n’oublie jamais de servir la fiction qu’il propose. Ainsi Le silence de la cité est une merveille du genre et définitivement Lire Elisabeth Vonarburg aujourd’hui fait partie des meilleurs cadeaux que vous puissiez vous faire dans votre parcours de lecteurice !
Editions Mnémos,
280 pages,
Ted.