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Entretien avec les éditions ZA

Durant cette période compliquée, une nouvelle maison d’édition est née. Un pari osé d’autant plus qu’elle propose une ligne radicale, en laissant la place aux textes de poésies contemporaines et des livres d’arts visuels. Les éditions ZA ont fait une première livraison avec dans la collection texte un étonnant recueil de Claude Minière, dans la collection Image des livres de Justin Delareux et Liliane Giraudon et un étonnant texte d’Henri Barbusse intitulé Jésus pour la collection domaine public. Une édition radicalement à contre courant de l’édition classique. On en parlent dans cet entretien pour mieux aborder le projet que cache ces deux lettres.

 

 

Adrien Meignan : Faire naître une maison d’édition durant cette période est un pari risqué. D’où vous est venue l’envie de créer les éditions ZA ?

Extrait de Coups de dames de Liliane Giraudon
Extrait de Coups de dames de Liliane Giraudon

éditions ZA : L’idée de créer cette maison d’édition est venue au mois de mars. Le confinement n’y est pas pour rien. Nous nous trouvions en repos forcé. Nos autres activités en lien avec l’édition étaient suspendues. Cela a donc été un moment où nous pouvions faire quelque chose d’autre, ne pas rester inactifs. Et nous avons commencé à travailler et petit à petit à mettre en place un programme et un mode de fonctionnement. Aussi souhaitions-nous probablement quitter nos habitudes et prendre en compte certaines réalités liées à nos pratiques. Peut-être au risque de ne pas vendre beaucoup. En tous les cas faire les choses très sérieusement mais de façon minimale. Se concentrer sur l’objet et son contenu, textes ou images. Possible que nous ayons voulu faire les choses de façon souterraine, presque clandestine. Mais certaines de nos vieilles habitudes nous ont rattrapés.

Donc, c’est une “vraie” maison d’éditions avec ISBN, dépôt légal, référencements etc. Comme nous faisons des petits tirages, le risque financier, même s’il existe, reste limité. Et nous nous laissons un peu de temps pour voir si cette histoire peut s’inscrire dans la durée. L’envie, alors, c’était de faire des livres que nous voulions faire à ce moment précis avec des personnes dont nous respectons le travail (mais cela c’est une évidence). L’envie c’était de faire un truc pendant le confinement et ce truc c’était faire des livres parce que c’est ce que nous aimons et a priori savons faire. C’est une envie simple qui s’est vue confortée lorsque les auteurs que nous avons sollicités ont répondu présents et tous avec enthousiasme. Alors cet enthousiasme-là cela nous a bien aidés. Nous n’étions plus seuls avec cette aventure nouvelle.

 

ZA se compose de trois collections. Pouvez-vous nous les présenter ?

éditions ZA : Les éditions ZA ce sont en effet trois collections qui ont pour titre ou nom Collection Texte, Collection Image, Collection Domaine Public. Donc des noms de collection très simples et qui permettent beaucoup. La Collection Texte accueille du texte. Dans cette première livraison nous dirons qu’il s’agit de textes de poètes, toujours pour être simples. Mais les prochaines livraisons pourraient tout aussi bien accueillir des textes de critique, de philosophie, des textes politiques, des textes de fiction etc. Et c’est la même chose pour la Collection Image. Elle pourra accueillir des photographies, des collages, des peintures etc. Des noms simples pour de grands espaces. La Collection Domaine Public est l’endroit où nous publierons des textes appartenant au domaine public, tous genres confondus.

 

Pour cette première livraison, on peut retrouver dans la Collection Image deux poètes. Qu’est-ce qui a motivé ce choix de présenter le travail visuel de Justin Delareux et de Liliane Giraudon ?

Interruptions Justin Delareux
Extraits de Interruptions de Justin Delareux

éditions ZA : Comme nous l’avons évoqué dans les réponses précédentes nous avons des liens avec la création

poétique contemporaine. Et certaines choses se font aussi sans toujours que l’on en voie l’évidence mais cette première livraison est une livraison que nous pourrions qualifier de “poétique” ou ancrer dans le paysage de la poésie dite contemporaine. Nous pouvons aussi ici décider qu’Henri Barbusse est un poète contemporain.

Nous avons sollicité des auteurs qui ont par ailleurs une pratique plastique peut-être peu ou mal connue mais qui participe pleinement du travail de création poétique et en est dans une certaine mesure une facette voire une extension. Montrer ce travail était notre seule ambition avec la Collection Image. Et nous pensons – mais comme bien d’autres et depuis longtemps – que le texte et l’image parlent souvent une langue commune. Mais plutôt que de dire des banalités nous proposons simplement à voir sans commentaire cette autre forme de parole poétique « particulièrement visuelle ». Et pour terminer nous montrons ce travail en particuliers parce que nous pensons que ces deux auteurs font là œuvre réussie. Ce n’est pas toujours le cas chez les “poètes-plasticiens”.

 

D’ailleurs parlons de ce premier livre de la Collection Domaine public, comment l’avez-vous découvert ? Ce texte d’Henri Barbusse peut être qualifié de poésie contemporaine mais est aussi un texte inclassable.

Extrait de Jésus de Henri Barbusse

éditions ZA : Ce livre c’est une rencontre qui s’est faite par hasard chez un bouquiniste. Nous avions déjà lu Henri Barbusse. Son livre le plus connu, Le feu. Nous savions que c’était un auteur dit engagé. C’était une édition originale sans texte en quatrième de couverture. Mais le titre a retenu notre attention. Et nous sommes de temps en temps lecteurs de textes qui revisitent les Evangiles ou d’autres textes dirons-nous fondateurs. Nous avons pu lire la Vie de Jésus de Mauriac rien ne nous interdisait de lire le Jésus de Barbusse. Et ce texte est très beau. C’est l’évangile de Jésus. Et Jésus est communiste.

C’est un texte, oui, peut-être inclassable mais nous l’avons dès le début considéré comme un texte de poésie. C’est devenu pour nous ce que nous pourrions appeler un classique. Cela fait plusieurs années que nous pensons à ce texte et à le faire exister. Quand nous avons imaginé ZA, Jésus s’est imposé à nous comme une évidence pour ouvrir la Collection Domaine Public. Et nous pensons par ailleurs qu’Henri Barbusse est un auteur important.

 

Pour ce qu’il s’agit de la Collection Texte, comment s’est fait le choix des textes de Claude Minière ? Y avait-il des résonances avec les autres livres proposés pour cette première livraison ?

Le Livre des Amis et des Ennemis de Claude Minière
Extrait de Le Livre des Amis et des Ennemis de Claude Minière

éditions ZA : Cela ne fait pas très longtemps que nous nous sommes mis à côtoyer les textes de Claude Minière. Il y a la lecture du texte Le livre des Amis et des Ennemis sur le site Catastrophes et les conseils avisés de José Lesueur. Nous comprenons l’importance du travail de Claude Minière. Sa discrétion et son engagement. Son travail rigoureux et la durée de ce travail qui se poursuit. Nous saisissons la construction lente et patiente d’une œuvre. L’accueil que nous a réservé Claude Minière a été des plus chaleureux et cela a été un vrai bonheur de cheminer ensemble pour ce livre. Nous ne connaissions pas les deux autres textes. C’est Claude Minière qui nous les a proposés et c’est une bonne idée. Bonne volonté a été écrit tout spécialement pour ce livre et pourrait être considéré comme un épilogue au texte Le Livre des Amis et des Ennemis. Et gueules noires de son côté serait un clin d’œil à des travaux moins récents, serait un texte qui ferait un lien entre deux périodes pour Claude Minière.

Il y a des résonances avec les autres livres. Notamment avec Jésus. Ce sont des textes qui viennent radicalement dire un commencement. Et aussi avec Liliane Giraudon puisque que les deux se connaissent ou en tous les cas se sont connus puisque Liliane Giraudon a accueilli Claude Minière dans la revue banana split dans les années 80.

 

L’aspect des livres est résolument sobre. Aucun texte ni illustration ne vient les agrémenter. Ce choix éditorial est-il là pour faire une absolue confiance aux œuvres que vous proposez ou pour être dans une démarche opposée aux traditions éditoriales ?

Couverture de Jésus de Henri Barbusse
Couverture de Jésus de Henri Barbusse

éditions ZA : C’est un choix important. Des ouvrages sobres. Pour aller dans la direction que vous indiquez ; ce qui compte ce sont les textes, les images. L’idée est de faire simple, de ne pas faire de couverture bavarde. Ce serait presque vouloir être discret. Mais paradoxalement cette discrétion peut être ce qui retient l’attention. Et nous pensons ces livres par livraison. C’est donc voir ces livres en même temps. Voir les quatre livres ensemble cela peut créer un certain effet. Et il y a une envie, nous espérons pouvoir utiliser ce mot, d’élégance. Nous avons fait des livres comme nous voulions qu’ils existent.

Couverture du livre des amis et des ennemis de Claude Minière
Couverture du livre des amis et des ennemis de Claude Minière

Et concernant les traditions éditoriales nous ne savons qu’en penser. Mais si nous nous plaçons dans l’histoire de l’édition de poésie notre façon de faire pourrait s’en rapprocher. Des petits tirages, la confiance en un lectorat attentif et assidu. Mais il est vrai que les éditions ZA doivent leur naissance à une envie de changer nos habitudes et nos façons de faire qui étaient celles plus particulièrement du milieu de la poésie contemporaine. Nous essayons quelque chose, nous essayons de savoir où nous allons cependant il est parfois difficile de bien cerner toute la portée de nos actes. Nous essayons de travailler sans enjeu autre que celui de faire des livres avec plaisir sans la plupart des contraintes liées à ce type de projet.

 

 

Et quelles sont les habitudes qui changent avec l’édition classique de poésie avec les éditions ZA ? Comment travaillez-vous et quelles sont les libertés que vous vous donnez ?

Couverture d'Interruptions de Justin Delareux
Couverture d’Interruptions de Justin Delareux

éditions ZA : Nous n’établissons pas de programme avec des parutions étalées, réparties sur l’ensemble de l’année. Nous faisons les livres quand nous en avons envie, une à deux fois dans l’année. Il n’y a pas à s’interroger sur cette répartition avec des calculs souvent vains : si nous sortons tel auteur à ce moment-là est-ce plus opportun qu’à un autre ? Ou, ce livre nous permettra d’équilibrer les comptes. Celui-ci a malheureusement peu de chance de bien se vendre, nous le sortons en février ou en mars ? Nous n’avons pas de diffuseur ni de distributeur. Il est vrai que beaucoup d’éditeurs de poésie non plus. Même si de plus en plus la plupart ont un distributeur. Nous ne pensons pas la relation aux librairies. Si nos publications les intéressent nous leur enverrons avec plaisir. Nous faisons des livres et nous les proposons.

Comme nous l’avons déjà dit ce sont des petits tirages. Nos prétentions restent très humbles.

Couverture de Coups de dames de Liliane Giraudon
Couverture de Coups de dames de Liliane Giraudon

Bien sûr, la preuve en est nous sommes en train de répondre à vos questions, nous essaierons de faire en sorte que ce travail soit connu mais nous pourrions dire à minima. ZA c’est un peu comme un cadeau que nous nous sommes offert mais que nous ne voulons pas garder pour nous. Et surtout nous souhaitions ne plus être confrontés à nos formes d’hypocrisie ou nos discours convenus. Nous faisons un truc. Et nous voulons faire ce truc simplement, dans la joie et si possible avec une certaine discrétion malgré le paradoxe qu’elle implique en termes de visibilité pour le travail réalisé. Nous pouvons ajouter que nous nous autorisons à ce que les éditions ZA publient ce qu’elles ont envie de publier tous genres confondus.

 

En sommes, vous rendez visibles des œuvres tout en vous faisant plaisir. Qu’est-ce que l’on peut souhaiter à ce nouveau projet ? Qu’il ne soit pas rattrapé par des enjeux économiques, complexes à gérer ?

éditions ZA : Oui, il est possible de dire cela. Souhaiter que l’accueil réservé à cette première livraison soit chaleureux et enthousiaste. Souhaiter que des livres soit achetés et lus et regardés. Souhaiter que les éditions ZA soient heureuses d’exister. Et, nous pensons qu’il y a peu de risque que les éditions ZA soient rattrapées par des enjeux économiques.

À propos Adrien

Passionné de poésie contemporaine et attaché à l'écriture sous toutes ses formes, engagée ou novatrice.

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