La poésie de Florence Jou est une expérience ou plutôt son témoin. Son écriture se compose à partir d’un vécu, réel ou non, qui saisit un rapport aux lieux et aux autres. On y constate deux choses importantes, la conscience du sol et du milieu et celle de l’humain. Ainsi, Explorizons restitue au mieux la pratique poétique de Florence Jou qui constitue une reconnaissance d’un environnement terrestre et humain. La poésie est alors une exploration du monde vivant. Mais ce n’est pas une recherche de réalité ou même de réalisme. Cette poésie n’évoque un monde qu’à travers le prisme d’une activité poétique et artistique au sens large.
Il faut savoir que la pratique de Florence Jou ne se résume pas à l’écriture. Il y a chez elle un cheminement qui amène au résultat écrit. Ce cheminement se déploie dans une interaction artistique pluridisciplinaire. Nous sommes loin de la page blanche et des errements du pauvre poète. Florence Jou écrit à partir d’explorations et de rencontres, mais ne s’interdit pas la fiction et la distorsion du vécu. Elle explore autant qu’elle en parle et c’est ce qui produit son esthétique.
Dans Explorizons, tout comme dans les trois autres livres précédents, Florence Jou économise ses mots, préfère la justesse à l’étalement. Mais on trouve aussi dans Explorizons un lexique de la fabrication et du bricolage. Même s’il y a économie, tout est sur la page autant les lieux que les outils. Pour ce qui s’agit des êtres humains, Florence Jou refuse le name-dropping, inutile donc de savoir qui se cache derrière Grégory V., Bruno L., Véronique E. ou encore Charles R. puisque ce qui importe est la rencontre avec ces personnes, qu’elle fait elle-même et surtout qu’elle invite à faire.
Explorizons parle aussi de notre rapport au monde, la poésie se construit comme une conscience écologique de ce qui nous entoure et permet au lectorat de restituer mentalement sa perception. Que ce soit à Rocheservière en Vendée ou à Fordlandia au cœur de l’Amazonie, on comprend les enjeux du rapport terre/humain. Entre l’exploitation capitaliste du caoutchouc et les droits de propriété du sol, le constat devient évident : on a échoué dans nos perceptions. La poésie peut-elle rectifier cela ? Non, mais elle permet d’en prendre conscience.
72p
Adrien